Depuis Kyoto en 1999, et son fameux protocole qui acta que le réchauffement
climatique était un enjeu mondial, l’humanité n’a pas fait grand-chose à part
des grandes messes et des rapports. Elle est comme une grenouille dans un
récipient qui se faire cuire à petit feu sans réaction. La stupide guerre
tribale poutinienne entraîne un choc dans l’approvisionnement de matières
premières, notamment énergétiques. Va-t-elle provoquer un sursaut de la
grenouille? Va-t-elle essayer de réagir et enfin déployer un effort
gigantesque, cet effort qu’elle a déjà réalisé, que nous nommons « effort de guerre
»? Le rapport du GIEC, lui, nous prédit une guerre sans fuite possible si nous
continuons à rejeter du Co2 dans l’atmosphère.
Nous ne pourrons pas signer de traité de paix avec un climat extrême.
Les ouragans feront aussi bien que les bombes à vide de Poutine.
La montée des eaux assiégera aussi bien les villes côtières et provoquera
les mêmes exodes.
Les centrales nucléaires foutront autant la trouille, elles seront en
difficultés quand l’eau manquera pour les refroidir.
Les villes seront assiégées de chaleur et l’atmosphère aussi étouffante
qu’en temps de guerre. Le couvre-feu sera diurne au lieu d’être nocturne.
Les méga-incendies rôtiront aussi bien les paysages et les maisons que des
bombes atomiques.
Les maladies générées feront aussi bien que nos armes chimiques.
Les vents extrêmes feront aussi bien tomber nos pylônes électriques qu’un
bombardement minutieux.
Les pénuries seront monnaie courante et la nourriture sera le souci
quotidien. Les coupures de courant seront la règle. En restant dans le
capitalisme, la spéculation sera intense et l’inflation sera quotidienne comme
dans une bonne guerre.
Les embargos seront édictés. Chaque pays voudra garder sa ressource et les
exportations de nourriture seront limitées.
Le problème ne sera plus de vendre mais d’acheter. Le marché noir sera régi
par les gangs mafieux.
Les réfugiés seront légion, leur accueil doit devenir un savoir-faire.
Le capitalisme sera remis en question et des tabous tomberont, comme nos
convictions. Tout un logiciel à reconfigurer, il aura ses bugs mais le
précédent ne fonctionne plus.
Alors autant faire tomber nos tabous rapidement, sans attendre, d’abord dans
nos têtes puis dans la vraie vie (ça ne peut marcher que dans cette séquence).
Le premier tabou à abattre est celui de la spéculation, de la
répartition des richesses capitalistes. On nous a fait croire que le
capitalisme était un fonctionnement naturel et que l’argent va aux plus riches
comme l’eau va la rivière. Ils ont oublié de parler de la pluie qui répartie
l’eau. Il faut la pluie et l’irrigation.
Le capitalisme gère déjà très mal la répartition de richesse en temps de
paix, alors en temps de guerre, il amplifie le chaos. Un système qui, en temps
de paix est déjà capable de faire pourrir du blé à côté d’affamés, comment
va-t-il le répartir en temps de guerre ? Il est capable de continuer à
transformer du blé en biocarburants (E85) pendant que les yeux des enfants
affamés sortent de leurs orbites, à une journée de bateau de nos pays
privilégiés. Il est capable de continuer à rendre malades des gros au nord
pendant qu’on mange de la terre au sud. A continuer à produire de la mauvaise
viande coûteuse en céréales, c’est-à-dire à préférer nourrir des bêtes qui
souffrent que de soulager la faim d’humains. La spéculation est déjà pénible en
temps de paix, en temps de guerre elle est criminelle. Un système qui encourage
et donne tout le cadre légal à la spéculation, qui évite aux spéculateurs de
payer des impôts est un système de complicité de crimes. Un système mafieux. La
planification, la régulation des prix et le rationnement sont nécessaires dans
chaque guerre. Au cours de l’histoire, les pays qui ne l’ont pas fait, ces pays
ont perdu la guerre.
Un autre tabou à abattre dans nos têtes: l’affectation libre des investissements
et de l’épargne.
Dans le système actuel, chacun est libre d’investir son argent là où il le
souhaite: si nous préférons faire des golfs et des maisons secondaires à la
place de logements pas chers, c’est possible, même avec de l’argent public.
Dans une guerre, c’est l’état qui décide de ce qui doit être fabriqué. Les
banques sont sous tutelle et l’argent mis de côté doit être investi dans
l’effort de guerre.
Un tabou à abattre et plus compliqué à faire tomber : le marché fixe
les prix.
Dans une économie de guerre,
les prix sont fixés par l’état qui mène en parallèle un système de
rationnement. Le marché noir se développe mais l’état le réprime de manière
judiciaire et l’opprobre moral est important. Il est ainsi limité. Chacun
accède à une part de la consommation minimale des denrées de base. La
consommation supplémentaire devient onéreuse. Les prix d’achat des matières
étant fixés aussi pour les producteurs et les industries, ceux-ci ne sont pas
en faillite. Ils produisent en fonction de ce qu’ils peuvent acheter et non en
fonction de ce qu’ils peuvent vendre. Conséquences: ils ont intérêt à produire
durable et l’obsolescence programmée disparaît. Ils ont intérêt à vendre du
service, comme de la réparation. Autre conséquence: le marketing, la publicité
font faillite et les employés doivent être reconvertis en paysans,
installateurs solaires, psychologues, formateurs, agents des services sociaux,
propagandistes dans l’effort de guerre climatique.
Un tabou moderne à abattre: l’effet d’échelle et ses économies: plus une
usine est grosse et plus elle est rentable, le transport ne coûtant pas grande
chose. Nous passons d’une énorme usine de pain de mie par pays à une petite par
département. Un maillage est bien plus résilient, si une usine est détruite par
la guerre climatique il en reste 99 autres. Le choix d’usine modulaire,
répétitive, permet d’affronter les dégâts de guerre climatique.
Un tabou à abattre: la productivité. Nous remplaçons la recherche de la
productivité du travailleur par la productivité de la matière et de l’énergie.
Au lieu de toujours remplacer des hommes par des machines, nous faisons,
l’inverse. Ainsi au lieu de robotiser l’agriculture, nous la manuelisons. Nous
obtenons ainsi le plein emploi et compensons la destruction de nombreux emplois
dans les domaines devenus obsolètes. Actuellement la solidarité est financée
par des cotisations sociales sur le travail. Nous faisons reposer la solidarité
(les vieux, les enfants, les malades) sur l’impôt, les bénéfices, les taxes sur
l’énergie et les matières premières. Remplacer du travail humain par des
matières premières et de l’énergie devient coûteux.
Un autre tabou à abattre : la complexité du monde. Afin d’employer un
maximum de monde à produire nos ressources essentielles, nous devons
simplifier. Simplifier les organisations et les fonctionnements, avoir moins
d’intermédiaires, moins de sous-traitance et devenir responsables de nos
productions Des productions plus locales, avec plus d’humains partout peut
simplifier un monde devenu, au fil de la mondialisation, d’une complexité
inextricable.
A tous ceux qui, en lisant les lignes précédentes, voient apparaître un
monstre bureaucratique stérilisant l’économie, ils oublient que le monde
capitaliste est devenu un monde immensément bureaucratique, ou la complexité
enrichit un tas d’intermédiaires, de contrôleurs de travaux finis, de
revendeurs pas forcément bien utiles. Une organisation de la production,
décentralisée, en direct, où le client est en face, risque de mettre au chômage
une armée de bureaucrates chargés de gratter les soussous...
La guerre actuelle nous démontre que la fête est finie. La gueule de bois
commence et nous devons agir, vite et bousculer notre quotidien et notre
train-train. La guerre entre souvent par effraction et les gens heureux ou trop
occupés ne la voient pas venir. Le grand historien Marc Ferro, expliquait
comment, en 1940 en France, tant de gens n'avaient pas vu venir la guerre et
comment elle avait bouleversé le quotidien de tous. Même les plus reculés et
coupés du monde ont dû la subir. Dans celle à venir, il n’y aura pas
d’échappatoire, pas de bunker, pas de refuge, nous sommes cernés.
L’avantage des chocs est qu’ils peuvent provoquer d’abord la sidération et
ensuite le sursaut.
Notre monde se délite depuis des années et nous ronronnons à monter des
usines à gaz de changements. Nous devons prendre conscience que la tragédie est
là, que nous le voulons ou non, l’histoire nous rentre dedans. L’effort de
guerre à mener est considérable, mais nous avons encore des forces. Le temps
n’est plus à la discussion, aux polémiques oiseuses, nous n’avons plus de
temps pour faire de la peinture verte, des petits gestes, des reformes de
l’aménagement par touches, des plans climats...Non, nous avons à lutter contre
une guerre climatique!
Nous avons à remettre des millions de paysans dans nos champs pour réduire
la quantité de pétrole que nécessite la grosse agriculture chimique et produire
90 % de ce que nous mangeons, en instaurant une sécurité sociale de
l’alimentation
Nous avons à remettre en place la circulation de milliers de bus et trains
pour faire ce que nous faisions il y a un siècle : se déplacer
collectivement !
Nous avons à refaire des petites usines dans tout le pays pour re-fabriquer
sur notre sol les tuyaux d’eau, nos machines à laver, tout objet
indispensable à une vie décente.
Nous avons à former des milliers de techniciens qui vont réparer et
prolonger la vie de nos maisons, voitures, machines, ordinateurs.
Nous avons à construire nos éoliennes, nos panneaux solaires, à produire
TOUTE notre énergie localement c’est-à-dire, à tirer notre lithium de nos sols,
à accepter la pollution des usines de silicium et en détruisant le moins
possible nos environnements. En connaissant le prix de sa production, nous
serons obligés de l’économiser en collectivisant un maximum son utilisation:
Bien sûr l’effort demandé est difficile mais la guerre ce n’est jamais un
pique-nique!
Dans toute l’histoire, pourquoi tant d’humains se sont sacrifiés pour
l’effort de guerre, pour un drapeau, une tribu ? Les fanatiques peut-être mais
quand tout un peuple est entré dans un effort de guerre il le fait fondamentalement
pour ses enfants, car il sait que la sentence guerrière première est
« malheur au vaincu ».
« Quand tu penses
qu'il n'y a vraiment plus d'espoir, pense aux homards qui se trouvaient dans
l'aquarium du restaurant du TITANIC. »