Nous l’appellerons Patricia, elle
habite un HLM dans les Hautes-Alpes. Suite à un divorce, elle vit seule avec
ses deux enfants. Heureusement le père de ses
enfants peut lui payer une petite pension même s'il gagne modestement sa vie.
Son appartement de type T3 est
propre, il est lumineux et relativement grand, mais il a été construit dans les
années 70. A cette époque, il n’existait pas d’obligation d’isolation alors on
construisait des murs avec une fine couche d’isolation. D’autant plus que le
fioul coûtait peu. Son immeuble en a donc toujours consommé beaucoup. Les
menuiseries, portes et fenêtres, sont en double vitrage rénovées dans les
années 90, mais déjà anciennes (20 ans) et peu performantes.
Mais les temps ont changé et le
prix du fioul a flambé. Il est enfin évident qu’il faut isoler ces immeubles
pour le bien de ses habitants et du climat. L’envolée des prix du pétrole de
2008 a mis cette évidence dans les projecteurs médiatiques. Mais la rechute du pétrole en 2011 a cassé
l’urgence. Malgré tout, cahin-caha, l’office d’HLM OPH 05 a mis en place un
vaste plan d’isolation en 2016. Pas seulement de l’HLM de Patricia mais de tous
ses HLM.
Le plan
consistait en une rénovation globale de l’immeuble avec isolation par
l’extérieur et changement des menuiseries. De coûteux bureaux d’études sont
venus faire des diagnostics. Ils ont longuement étudié les solutions et tous
les détails des opérations. Fin 2016, le plan de rénovation était prêt. Isoler un immeuble n'est techniquement pas
comparable à envoyer une fusée sur la lune. Les travaux consistent à plaquer de
l’isolant sur la façade et à changer les menuiseries en faisant attention aux
ponts thermiques. L’opération peut se
faire en gardant les locataires dans leur appartement.
L’objectif
du plan était simple et clair: en 8 ans, tous les immeubles devaient voir leur
consommation de chauffage divisée
en 4. Le budget était enfin réuni. L’autofinancement par l’office était
important et les économies d’énergies allaient rembourser une bonne part de ces
investissements. Mais les aides, quoique minoritaires, étaient nécessaires.
Dans
notre monde moderne, nos dirigeants communiquent et réalisent ensuite (ou pas).
La communication fut lancée tambour battant. Habitant et administrateur des HLM
à l’époque, je travaillais dans le secteur des économies d’énergies. J’étudiais
alors le dossier pour le compte d’un syndicat des locataires. Surprise :
le plan était propre et précis. Les solutions retenues étaient un bon compromis
entre le prix et un choix de matériaux plutôt biosourcés. Les passoires
thermiques étaient mises en priorité. Le choix d’une isolation poussée et non
au rabais fut un soulagement. Avec ces solutions, quasiment plus besoin de
chauffer les gros bâtiments compacts, ni de changer le mode de chauffage et
d’installer de coûteuses chaudières au bois. Un chauffagiste me dit même cette
phrase: « Après ces travaux, nous ne servirons plus à rien. Une
panne de chauffage et le bâtiment mettra deux semaines à se refroidir. » Les
appartements mal situés, pleins de ponts thermiques, souvent difficilement
chauffables allaient avoir enfin chauds.
Militant depuis 10 ans au sein des
HLM pour l’isolation de tous les bâtiments et surtout des passoires thermiques,
on me riait au nez quand je parlais d’isolation globale par l’extérieur.
« On ne va pas dépenser autant d’argent pour des HLM » me répondait
le mépris des gens élus. Beaucoup d’énergie militante pour obtenir une
évidence, le rendement n'était certes pas bon, mais enfin on y arrivait. Le
conseil d’administration vota à l’unanimité les travaux, je respirais. Aucun
élu ne fut contre et je n'entendis personne non plus dire cette célèbre phrase:
« c’est trop compliqué et coûteux et pis si les locataires laissaient pas
les fenêtres ouvertes!». Les
pauvres, c’est bien connu, c’est trop con ! Quand le locataire du Nord
hurle de se geler et de payer de lourdes charges, parfois il obtient ses 18
degrés réglementaires. Tandis que celui du Sud a trop chaud et ouvre ses
fenêtres juste pour dormir. Transformer un problème collectif en responsabilité
individuelle est la marque de la bourgeoisie de droite comme celle de gauche.
Mais la bataille culturelle de l’isolation était enfin gagnée!
Les mêmes élus, 10 ans plus tard,
paradaient sur la photo du journal local pour annoncer le vaste plan
d’isolation.
« Seule une catastrophe
naturelle pouvait empêcher sa réalisation », me dit la directrice des HLM de
l’époque. Elle avait bataillé ferme pour y arriver. De droite, mais droite et
humaine, elle avait mouillé sa chemise avant de partir à la retraite.
L’élection de Macron est sûrement
à ranger dans la catégorie de catastrophe.
Arrivé au pouvoir, il avait un
vaste plan de baisse d’impôts pour soulager les plus riches et les grandes
entreprises de 100 milliards d’impôts. Mais il ne fallait pas trop creuser le
déficit, son plan avait une colonne recette. Faire les poches d’un tas
d’organismes publics, assurances chômages, collectivités publics, collecteurs
d’argent pour la formation professionnelle et organismes HLM. Tous ces
organismes avaient des revenus directs et des cagnottes dus à leur bonne
gestion.
Ainsi, à peine élu, Macron décida
de faire les poches des HLM et d’accélérer leur privatisation rampante qui se faisait
lentement car même les élus de droite rechignaient. Il le fit sans faire de
bruit. Il prit deux mesures perverses. D'abord, Macron obligea les HLM à se
regrouper selon des critères de taille: un office ne pouvait plus faire moins
de 15000 logements. Objectif éliminer les petits pour favoriser les gros, souvent
privés. Les entreprises privées du sociales avaient été dans ses premiers
soutiens.
Pour accélérer le regroupement, il
décida de les taxer, mais de manière subtile et vicieuse. Il était
politiquement délicat de piquer un milliard aux locataires des HLM directement.
Il décida de faire un coup de bonneteau: tu déplaces l’argent de manière
complexe et l'argent disparaît. Il
décida de supprimer 50€/mois d’allocation logement aux locataires. Mais,
astucieusement, il obligea les offices à baisser leurs loyers de 45€/mois. Pour
les locataires, le résultat immédiat ne fut que 5€/mois d'augmentation. Le
scandale fut immédiat: les 5€/mois coûtèrent politiquement cher à Macron. Mais
les 45 euros restants ne lui coûtèrent rien du
tout.
Pour
les offices HLM, ce fut un lent empoisonnement. Privés de ressources, carrément
dévalisés par le Hold-up macronien, ils annulèrent leurs investissements et
réduisirent l’entretien basique de leur parc. Pour finaliser la mesquinerie
macronienne, l’état doubla la TVA des travaux de réparation et de rénovation
des HLM.
Lors
du mouvement des gilets jaunes, j’interpellais le député local, macroniste et
rapporteur du budget. Je lui criais la honte absolue de cette mesure. Il me
répondit en aparté «c’est vrai, c’est nul, mais les HLM gaspillent les
subventions et l’argent public doit être bien employé».
Pendant
ce temps, l’État lançait de gros budgets d'aides à la rénovation des
propriétaires à grand coup de primes et de certificats d’énergies. J’avais
travaillé sur les économies d’énergie qui sont un autre grand scandale d’état
passé sous les radars. Ce dispositif kafkaïen pensé par des bureaucrates oblige
les fournisseurs d’énergie à acheter des certificats d’économie d’énergie. Un
intermédiaire certifie à toute personne effectuant certains travaux d’économies
d’énergie et lui délivre ces certificats. Le processus est bureaucratique,
complexe et déconnecté de la réalité des économies réelles. Les intermédiaires
sont en position de force, ils peuvent se gaver. Ceux qui ont pensé ce
dispositif ont quitté le ministère pour créer de juteuses sociétés de certificats
d’économies d'énergie et ont fait fortune. Il est vrai que prélever directement
une taxe sur les fournisseurs et subventionner les HLM ou collectivités ou
particuliers, c’était trop simple et efficace, c’est-à-dire « old-school ».
Plus de la moitié de cet argent
public s’envola dans des détournements opaques : la cour des comptes a
enfin étrillé ce dispositif au bout de 15 ans, son inefficacité se voyait
trop !
Les macronistes ne sont scrupuleux
que lorsque l'argent atterrit dans la poche des pauvres. Le macronisme c’est la
taxation des pauvres aux services de la baisse des impôts des plus fortunés, le
tout enveloppé d'une grosse couche de « com » moderne. Parfois cela
se voit et parfois l’entourloupe passe crème, comme pour les HLM.
Pour les HLM, le coup de
passe-passe fut bien réalisé. La presse n’en parla pas, les partis de gauche
non plus. Alors que certains directeurs des HLM furent outrés d’une telle
mesure.
Mais la tête du mouvement des HLM
se garda de protester vigoureusement, bien trop proche et dépendante du
pouvoir. Nous avons essayé d’alerter, mais le mouvement syndical des locataires
HLM était moribond et sans soutien. La bourgeoisie de gauche, au sein du PS et
de EELV, au pouvoir dans de nombreuses communes et dans des offices HLM, ne
trouva rien à redire aux regroupements des offices et à leur privatisation.
De nombreux offices publics ont dû
se regrouper selon la théorie macro-hollandiste qu’« une grosse structure
est mieux gérée qu’une petite » : ce fut faux pour les super
régions et les super communautés de communes. Les offices HLM publics
furent privatisés et les grands groupes HLM se sont constitués. Ce processus
entamé en 2002 par Borloo, continué par Boutin prolongé par Sarkozy, ne fut pas
remis en question par Hollande. Macron, le parachève. Le peu d’échos et la
faible résistance du mouvement HLM s’explique par leur complicité. Emmanuelle
Cosse, ancienne d’EELV version hollande, présidente du mouvement HLM fit un
silence gêné. Comme pour les affaires de harcèlement de son mari Denis Baupin.
Après avoir
ruiné les offices, il est facile de les accuser de mauvaise gestion comme les
macronistes à Grenoble. Elisa Martin, présidente de l’office sauva
la privatisation de l’office. Le maire de Grenoble ne voyait pas trop
d’inconvénients.
Détruire un service public avant
sa privatisation est indispensable. La bourgeoisie de gauche nous répète alors
le fameux « il faut être réaliste, nous
sommes la gauche réaliste, le public ne marche pas ! ». Jusque
dans les années 80, un logement social était invendable ou alors pour un euro
symbolique. A cette époque, les société anonymes HLM n’existaient pas, les
banques ne faisaient pas main basse sur le livret A. Les banques ne pouvaient pas
être actionnaires de SA HLM, les loyers HLM ne doublaient en 12 ans.
Le pire dans cette histoire est
que -contrairement à la rumeur droitarde- le logement se finance lui-même et
n’est pas perclus de subventions. Si des aides existent, elles sont
incomparables aux financements du logement privé. La promotion immobilière concentrée
sur la maison individuelle se voit lourdement assistée. Un logement nécessite
des routes, des réseaux électriques, gaz, eau, épuration. Ces lourdes
infrastructures sont socialisées. Pour aller au travail, l’habitant de maison
individuelle voit ses aménagements de réseaux routiers, eaux, électriques,
payés par beaucoup d’argent public. Les
aides à la rénovation et aux énergies renouvelables profitent pour des
milliards d’euros aux propriétaires. De plus, le logement HLM est le moins
gourmand en matériaux et en espace que le logement privé. Il artificialise
moins et coûte moins cher en impôts que la maison individuelle. Mais quand ce
sont des propriétaires, les médias parlent d’aide, quand ce sont les
locataires, il s’agit de l’assistanat !
Mais revenons à nos locataires.
La guerre ukrainienne a mis fin à
l’énergie pas chère en Europe. Les factures énergétiques sont payées par les offices HLM. Ils répercutent les augmentations
aux locataires avec un an de retard. Face à la flambée des prix de l’énergie et
la proximité des élections, le problème de l’augmentation des charges fut mis
sous le tapis. La décision a été prise
de retarder le paiement de l’augmentation des charges locatives aux offices HLM. Les dirigeants des offices espéraient-ils un
geste de l’état qui les lamine depuis 20 ans ?
Ils
rêvent, ils ne sont pas une station de ski ! Si Mr Giraud, l’ancien député
représentant du lobby de la montagne a su trouver des millions pour payer les
factures électriques des stations de ski, les pauvres ne font pas partie de ses
préoccupations. Les pauvres n’inspirent pas de craintes aux macronistes, que du
mépris.
Huit années plus tard, les
factures d’énergie ont flambé. Patricia se voit alors réclamer 800€ de
régularisation, elle doit payer. Certains locataires doivent payer 1500 €. Si
le plan d’isolation avait été réalisé, elle aurait vu sa facture baisser.
Patricia et le climat s’en porteraient mieux.
Un mouvement de protestation est
en cours sur les Hautes-Alpes. Soutenu par la France Insoumise locale, il
proteste contre cette injustice totale. Le racket de 1 milliard a lieu
chaque année. Il doit cesser. Il doit faire partie des priorités du Nouveau
Front populaire.
Nous proposons de signer cette
pétition : stop au Hold-up des HLM. Un vaste plan de rénovation doit être
relancé, toutes les études sont dans les cartons.
Le
silence politique de la gauche donne un sentiment d’abandon dans les classes
populaires.
Les seules médiatiques protestations
furent celles du très macronien président du BTP 05 ! Il protesta contre
l’annulation du plan de rénovation des HLM, elle
privait le secteur de nombreux chantiers.
Les
entreprises du BTP sont très affectées par la baisse des constructions neuves.
Elles seraient très heureuses de rénover les HLM comme le serait aussi
Patricia. Depuis 2007, je me bats pour cette évidence, la rencontre du social
et de l’écologie.
Pour
l’instant, la seule chose qui a soulagé les locataires des HLM, c’est la baisse
de 30 % des besoins de chauffage en montagne. La cause, le réchauffement climatique !
L’isolation
des bâtiments permet aussi un meilleur confort l’été. De plus en plus de
passoires thermiques deviennent invivables l’été, même à Gap. Les locataires
fragiles, notamment les anciens, n’ont comme unique solution que d’installer
une mauvaise climatisation portable et dépensent encore plus d’électricité.
L’indécence est totale de vouloir
dépenser des milliards d’euros pour organiser les JO 2030 d’hiver et de faire
payer des milliards aux locataires de HLM.
Cette indécence révèle bien le
caractère Robin des bois des riches de Macron. Faire tomber cette injustice
doit être une priorité pour tous les militants et élus du Nouveau Front
populaire.
À l’heure où le gouvernement
décide de rendre le chèque d’énergie non systématique et de supprimer les aides
aux plans d’isolation des logements sociaux, les locataires doivent être
défendus par les partis de gauche.
Dans un pays de 2,88 millions de
millionnaires contre 700 000 il y a vingt ans, il est possible de trouver l’argent et de satisfaire les locataires des
HLM et le président du BTP 05.
Il
est urgent que les médias alternatifs s’emparent et médiatisent le scandale de
la privatisation des HLM.
Plus
d’une personne sur 6 vit en HLM. Le mal-logement et le prix du logement
touchent la moitié de la population.
Il
serait intéressant de connaître le nombre d’élus qui sont locataires à droite
comme à gauche.
Ici
dans les Hautes-Alpes, nous n’avons que des élus propriétaires, de droite comme
de gauche.
Il
est temps que les locataires se sentent défendus par les partis de gauche.
Cela
passe par dénoncer ce scandale et proposer une vraie politique publique du
logement !
Cette
politique publique passe par la construction de HLM public à 100 %, un
financement pérenne de plusieurs milliards
d’euros par une taxation des AIRBNB, la taxation des patrimoines, le
blocage des loyers, la taxation et la limitation du nombre des résidences
secondaires. Et enfin une taxation réduite des travaux
d’isolation des logements sociaux.
Toute
proposition cosmétique n’est que de la com ou de la manœuvre.
Dans
le logement comme dans l’isolation, on fait pour de bon ou on ne fait
pas !
Source et lectures :
La marchandisation du logement social
en France
Loi privatisant les HLM :
pourquoi il sera bientôt encore plus galère de trouver un logement décent
André Castelli : « La privatisation
de Valles Habitat est un désastre politique et social »
Mobilisation devant le Conseil
départemental du Jura contre la privatisation des offices HLM