nous n'avons pas les ressources
de biomasse forestière pour en développer l’utilisation énergétique
industrielle. Et il s'en faut de beaucoup !
Vous pouvez télécharger le rapport complet publié en 2013
sur le site de l'ADEME, ici :
Ce travail sérieux de l'IGN et du FCBA (institut
technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement) a été financé par
l'ADEME, L'IGN, et COPACEL (l'Union Française des Industries des
Cartons Papiers et Celluloses).
Les estimations des études précédentes ont donné corps à
l'axiome de sous-exploitation de la forêt française. Cette dernière étude n'échappe pas à l'approche industrielle. Elle
demeure une étude de ressource minière faisant abstraction des écosystèmes et
de la problématique carbone. Néanmoins,
la sylviculture est abordée de manière plus pragmatique que précédemment, et le
développement des demandes fait l'objet de projections détaillées. Le résultat est un potentiel de récolte
toujours optimisé, mais moins élevé que précédemment.
Les données reflètent des tendances, seules la part IFN des
données servant à l'étude est assortie d'intervalles de confiance.
En conclusion
de l'étude, la demande sera fortement supérieure à la disponibilité nationale à
l'horizon 2031-2035 dans tous les cas de figure.
Les projections font état d'une demande supérieure à l'offre
à l'horizon 2035, dans tous les scénarios. La demande
globale varierait de 80 à 110Mm³/an, alors que la disponibilité globale
varierait de 56 à 68Mm³/an.
En
particulier en ce qui concerne le bois d'énergie, la demande varierait entre 39
et 57Mm³/an. Alors que l'offre optimisée varierait de 19 à 28Mm³/an, soit seulement la moitié des besoins.
Pour mémoire, en 2015 les forêts nationales ne suffisaient pas pour
approvisionner la demande de 33Mm³/an.
En ce qui
concerne la région PACA, la disponibilité supplémentaire de bois issu des
forêts serait, selon les scénarios de gestion, comprise entre 397 000 et 827
000m³/an, toutes catégories confondues.
On est loin des millions de tonnes disponibles dans la
communication d'Eon/Uniper, psalmodiée par les services de l'Etat, mais c'est pile
dans l'analyse de SOSforêt ! (FCBA et COPACEL écolo irresponsables ? ndr)
Cette étude
montre, chiffres à l'appui, que promouvoir le développement industriel de
l'utilisation de la biomasse issue des forêts à des fins énergétiques est
clairement un non sens économique.
Je reprend les points
saillants de l'étude dans les pages qui suivent
(Pour mémoire : BO =
bois d'œuvre - BI = bois d'industrie - BE = bois énergie - MB = menus bois)
Les
objectifs de l'étude
La loi sur la transition
énergétique du 22/07/2015 prévoit que la part des énergies renouvelables devrait
atteindre 32% de la consommation, avec 40% pour la biomasse, essentiellement
forestière.
L'étude évalue à l'horizon 2035
les volumes de bois disponibles (matériau, industrie, énergie), estime la
demande pour l'industrie et l'énergie, et apprécie les capacités de la forêt
française selon les objectifs assignés.
Quels sont les volumes de
récolte additionnelle ? De quelle essence s'agit-il et de quels diamètres ? Où
sont-ils situés ? Quels sont les principaux leviers pour augmenter la
mobilisation ?
Une
évaluation plus précise des disponibilités additionnelles par rapport à 2009
L'étude a bénéficié d'une
période de référence de 5 ans (2009-2013) et des mesures directes par l'IFN des
prélèvements en forêt. Elle a bénéficié également des zonages d'enjeux fournis
par les cartes de gestion, les aménagements des forêts publiques, et les plans
de gestion des forêts privées.
L'étude ne concerne que les
forêts où la production de bois est possible, même faible, en excluant les
forêts inaccessibles et les réserves intégrales (5% de la superficie).
Les évaluations prennent
traditionnellement en compte les contraintes économiques de mobilisation, qui
peuvent limiter la récolte. Cette fois elles apprécient aussi les conditions de
mobilisation en fonction des grands enjeux environnementaux et sociaux (les
fonctions de protection, d'accueil, peuvent limiter le potentiel de récolte).
Un
facteur qui n'a pu être pris en compte est le consentement des propriétaires.
La part des propriétés forestières sans PSG est de 60% de la superficie en
PACA, 68% en Languedoc-Roussillon, et 73% en Rhône-Alpes.
La
prise en compte des menus bois (MB) demeure très contestable.
Il y a quand même un mieux, car
la sensibilité des sols à cette exportation est affirmée. Les calculs prennent
en compte l'absence de récolte des MB sur les sols pauvres (16% de la
superficie), un seul prélèvement dans la vie du peuplement sur sols moyennement
pauvres (21%), mais prélèvement à chaque intervention sur sols riches (63%,
assorti d'un prudent "à priori
possible").
Les auteurs prennent soin de
préciser que la récolte des menus bois en forêt est toujours consécutive à la
récolte du BO ou du BIBE définie par les scénarios de gestion.
Mais
on a toujours affaire à une approche agronomique des sols, sans regard
écosystémique sur les impacts de la récolte des MB. Pourtant la résilience des
forêts dépend de la qualité ses biocénoses.
La
prise en compte des objectifs de gestion est nouvelle
Enfin une étude qui intègre les
enjeux de conservation ! L'étude retient 5 types d'enjeux de conservation en
fonction de leurs impacts contraignant sur la mobilisation des bois.
Les
enjeux 1 à 4, regroupant les vocations autre que la production de bois,
représentent en PACA 24% de la superficie et 28% du stock sur pied.
En France, l'enjeu n°5, à
objectif principal de production, représente 88% du stock de bois et 90% de la
production biologique. Le taux de prélèvement est de 51% de la production nette
(bois morts déduits).
La
prise en compte de la sylviculture ... et des sylviculteurs est aussi novatrice
Pour calculer la disponibilité,
il faut d'une part simuler la croissance et la mortalité, et d'autre part
prendre en compte la sylviculture appliquée. Les précédentes études calculaient
la disponibilité en utilisant des modèles
de sylviculture théoriques et en simulant la gestion. Mais la pratique
diverge des itinéraires théorique en raison des contraintes environnementales.
Cette approche a conduit, en 2007-2009, à surestimer nettement la disponibilité.
La variabilité des pratiques est
pourtant quantifiée par l'Inventaire Forestier, et cette étude a choisi de
prendre en compte cette réalité dans les modélisations. Il s'agit de pratiques
moyennes à l'échelle d'un territoire, où les taux de coupes dépeignent de
manière pragmatique la réalité forestière.
Un
rappel salutaire : la différence entre la production biologique et la
disponibilité en bois
Quand on coupe un arbre, on
récolte sa production biologique nette accumulée au cours de sa vie. Ainsi la
récolte annuelle de la production biologique ne peut s'imaginer que si on
dispose d'un éventail de toutes les classes d'âges sur un massif, une région,
ou un pays. Ce qui est utopique. Le potentiel de récolte peut ainsi être faible
certaines périodes, et élevé à d'autres.
Les
auteurs rappellent que la production biologique et le taux de prélèvement ne
peuvent servir à évaluer la disponibilité. Ce sont simplement des indicateurs.
Pour contourner cette
difficulté, les auteurs ont eu recours à des projections par "domaine
d'étude", un domaine d'étude regroupant les peuplements comparables en
terme de composition, de propriété, de milieu, et de sylviculture. Les auteurs
ont simulé l'évolution de chacun des 116 domaines ainsi constitués, et ont calculé
la disponibilité en bois.
La
modélisation de l'évolution de l'offre
L'étude de la ressource
forestière fait appel à un simulateur spécifique. Deux scénarios sont proposés.
Un scénario de sylviculture constante qui reconduit les pratiques
actuelles de gestion.
Et un scénario de gestion dynamique progressive qui généralise les pratiques les plus dynamiques
inventoriées (là où les plus fort taux de coupes sont recensés). La
dynamisation de la gestion progresse dès 2016 en forêts privées, et à partir de
2021 en forêts publiques.
Le
scénario dynamique et son calendrier optimisent les surfaces en gestion, et
optimisent les récoltes. La probabilité de ce scénario dynamique, qui prévoit
d'étendre les pratiques les plus intensives à toute la forêt privée, est autant
dire nulle. Ce n'est qu'un plafond théorique, mais qui va une nouvelle fois
brouiller les esprits et attirer les convoitises sur les ressources imaginaires.
L'effet
des scénarios sur la capitalisation du bois
Le stock sur pied des forêts
privées progresse toujours sur la période 2011-2035 quelque soit la gestion,
avec des hausses de 34 à 38% selon les scénarios.
La dynamique de capitalisation
concerne également les forêts publiques. Mais avec le scénario de gestion dynamique progressif, la capitalisation
dans les forêts publiques s'arrête à partir de 2025 !
Le
puits de carbone atteint 86Mtonnes/an en 2031 avec le scénario de sylviculture
constante, et 62Mtonnes/an avec le scénario de gestion dynamique. Dommage que
l'étude ne développe pas cet aspect contestable de la "durabilité" du
scénario dynamique.
Quelques
définitions avant de passer aux volumes
Il ne faut pas perdre de vue que
les critères d'estimation sur pied
optimisent également les volumes exploitables.
La disponibilité brute est la
quantité totale de biomasse qui pourrait être prélevée au cours d'une période
en application d'un scénario de gestion.
La disponibilité
technico-économique est la part de la disponibilité brute qui est techniquement
et économiquement exploitable, c'est à dire de façon rentable pour le
propriétaire, l'exploitant, le transformateur, et l'utilisateur final.
La disponibilité supplémentaire
est la différence entre la récolte actuelle et la disponibilité
technico-économique.
Le taux de prélèvement est le
pourcentage de récolte par rapport à la production biologique nette. Il ressort des approches que le taux de
prélèvement est "le" indicateur de gestion durable, ce qui est faux .
Ce taux est maintenu à 55% dans le scénario à
sylviculture constante (83% dans les forêts domaniales, 69% dans les forêts des
collectivités, 69% dans les forêts privées avec PSG, 38% dans les forêts
privées sans PSG).
La mise en œuvre du scénario de
gestion dynamique porte le taux de prélèvement national à 72% sur la période
2031-2035 (78% dans les forêts privées avec PSG, 54% dans les forêts privées
sans PSG, 100% dans les forêts publiques.
L'intensification des coupes produira des peuplements plus clairs et moins
âgés, donc moins capitalisés.
Les
quantités de bois disponibles (ref 2015 : 49m³/an, BO 25Mm³, BIBE 23Mm³/an, MB
5Mm³/an)
Entre
2031 et 2035, sur toute la France, la disponibilité technico-économique sera de
56Mm³/an dans le scénario à sylviculture constante (BO 29Mm³/an BIBE 27Mm³/an),
et de 68Mm³/an dans le
scénario de gestion dynamique (BO 34Mm³/an BIBE 34Mm³/an).
Entre 2031 et 2035, la disponibilité technico-économique supplémentaire
sera de +7,6Mm³/an dans le scénario de sylviculture constante (BIBE+3,8Mm³/an
uniquement en feuillus = +0,9Mtep/an), et de +19,8Mm³/an dans le scénario de
gestion dynamique (BIBE +10,3Mm³ dont 9,4Mm³/an en feuillus et 0,9Mm³/an en
conifères =+2,4Mtep/an).
Concernant le MB utilisable pour
l'énergie, la méthode de calcul employée envisage que le MB est récolté
simultanément avec le BIBE. Or sa mobilisation n'est rentable que dans le cas
de récolte d'arbre entier. Il n'est pas ou très peu récolté dans les coupes
dont les produits sont billonnés en BO ou BI, le coût de mobilisation séparée
étant trop élevé. Actuellement il est récolté 0,3Mm³/an sur une disponibilité estimée
à 5,1Mm³/an.
La disponibilité réelle de MB demeure
donc modeste, même sans faire intervenir les coûts environnementaux de leur
exportation. La disponibilité totale 2031-2035 serait de 6,2 à
8,1Mm³/an selon les scénarios, et la disponibilité supplémentaire serait
comprise entre 1,2 et 3,1Mm³/an.
(La disponibilité supplémentaire
dans les forêts publiques est très limitée avec le scénario constant, de
0,4Mm³/an en 2025 à 1Mm³/an en 2035. La dynamisation produirait une
mobilisation supplémentaire de 2,4Mm³/an en 2025 jusque 6,1Mm³/an en 2035,
imputable à 80% aux forêts des collectivités)
Ci-dessous les données
régionales extraites du rapport (incluant les peupleraies)
Disponibilité
technico-économique supplémentaire en 2031-2035, y compris Peupliers
|
En milliers de m³/an
|
Scénario
de sylviculture constante
|
Scénario
de gestion dynamique progressif
|
BO
|
BIBE
|
Total BO+BIBE
|
MB
|
BO
|
BIBE
|
Total BO+BIBE
|
MB
|
Languedoc-Roussillon
|
Public
|
|
|
93
|
110
|
|
|
239
|
152
|
Privé
|
|
|
163
|
176
|
|
|
307
|
217
|
Total
|
182
|
75
|
257
|
286
|
327
|
219
|
546
|
369
|
PACA
|
Public
|
|
|
67
|
79
|
|
|
165
|
132
|
Privé
|
|
|
98
|
154
|
|
|
290
|
241
|
Total
|
97
|
67
|
164
|
233
|
241
|
213
|
454
|
373
|
Rhône-Alpes
|
Public
|
|
|
131
|
175
|
|
|
660
|
311
|
Privé
|
|
|
654
|
466
|
|
|
2081
|
756
|
Total
|
565
|
219
|
784
|
641
|
1710
|
1032
|
2742
|
1067
|
ndr
: la disponibilité optimisée est très forte en Rhône-Alpes avec une fourchette
de 1 à 4millions de m³/an. Mais quand on sait où se trouvent les forêts
concernées, avec les contraintes et les coûts de mobilisation et de transport
en montagne, c'est purement indicatif.
La
demande de bois (ref 2015 : 67Mm³ équivalent bois rond)
La prospective s'est appuyée sur
la documentation existante, qui comprend entre autre le scénario 2011 de
l'association negaWatt.
Une
forte demande de bois énergie est envisagée dans tous les scénarios, ainsi
qu'une augmentation de l'utilisation du bois matériau, mais la compétitivité du
bois-matériau n'est pas toujours considérée comme favorable.
Les auteurs ont envisagé 2
tendances d'évolution par secteurs (sciages feuillus, sciages conifères,
palette, pâte, panneaux, ameublement, énergie) :
- une évolution
"tendancielle", qui prolonge grosso-modo les courbes actuelles de
demandes, sauf pour ce qui concerne la biomasse dont les investissements
ralentissent,
- et une évolution volontariste,
qui imagine des restructurations, la reprise de la construction et du meuble,
et la poursuite de l'objectif biomasse sur la même trajectoire que les 5
dernières années.
Et ils ont élaboré 3 scénarios
quantitatifs :
- un scénario "marché atone",
qui compile les évolutions tendancielles des tous les secteurs - une demande de 80Mm³/an en 2035, dont BE 39Mm/an.
- un scénario "énergie et
bois d'industrie", les investissements de récolte de la biomasse
profitent aux secteurs de la pâte et des panneaux - une
demande de 77 Mm³/an en 2025 et de 90Mm³/an en 2035, dont BE 48Mm³/an.
- un scénario "filière
dynamique", tous les secteurs progressent grâce aux programmes
d'investissements dans l'ensemble de la filière bois - une
demande de110Mm³/an en 2035, dont BE 57Mm/an.
Les
bilans
L'offre
de BO feuillu est excédentaire quelque soit le scénario
l'offre
de BO résineux est déficitaire quelque soit le scénario
l'offre
de BIBE est déficitaire, sauf dans la conjonction "offre sylviculture
dynamique/demande énergie et bois d'industrie". Un cas de figure
qu'on peut résumer ainsi : on coupe un max, et on brûle tout (ndr).
A
brève échéance, une reprise même relativement faible de la demande en bois
produirait une reprise immédiate des importations.
Les auteurs observent
qu'actuellement l'utilisation de BO feuillu permet de satisfaire en partie la
demande de BIBE. Il s'agit en général de bois ayant les dimensions de BO mais
de conformation médiocre. D'après eux il faudra encourager cet usage pour
équilibrer la demande BIBE.
L'offre forestière française
pourrait permettre de répondre à la demande des scénarios filière atone et
énergie bois d'industrie à condition de dynamiser de manière importante la
sylviculture et de la mobilisation des bois. Mais la mobilisation des bois en
forêt privée restera difficile, et la probabilité de dynamiser la filière bois
d'œuvre feuillue à court terme est faible. Autre contribution à
l'approvisionnement, dynamiser la filière dans son ensemble pour dégager des
ressources BIBE sur les produits connexes de sciages.
Les auteurs envisagent deux
pistes pour pallier au manque de disponibilité en bois de conifères pour la
demande industrielle :
- un grand programme de
reboisement (l'équivalent de 2 à 5 fois les plantations de Douglas du FFN !!!),
- ou bien adapter l'outil
industriel à la ressource feuillue abondante et en augmentation.
Compte
tenu des perspectives de financement, les deux pistes sont impraticables, et le
bois manquera, notamment le bois de conifères.
Un peu de langue de bois pour
terminer (dans le texte) : l'équilibre entre l'offre et la demande des
scénarios les plus dynamiques ne pourra être atteint qu'avec la mise en place
de politiques ambitieuses de soutien à la filière.
SOSforêtdusud - Richard Fay