Dans les Alpes, les gestionnaires des lacs et barrages soulignent la nécessité d’harmoniser objectifs de production et tourisme.
Barrage de Serre-Ponçon : «Quelles garanties aurions-nous demain ?»
Les premières mises en concurrence de
concessions hydroélectriques viseront particulièrement les Alpes, avec
dès cette année le barrage du lac Mort, en Romanche (Isère), le barrage
de la Girotte et ses centrales dans le Beaufortain (Savoie) et surtout
la puissante centrale de Bissorte-Super Bissorte en Maurienne (Savoie).
Ces équipements sont gérés par l’unité de production (UP) Alpes d’EDF,
qui ne souhaite pas s’exprimer. L’UP Méditerranée, qui coiffe les
ouvrages des Alpes du Sud, plus récents et dont les concessions courent
jusqu’en 2045, a en revanche accepté de détailler son fonctionnement à
l’échelle des vallées, et les enjeux d’une mise en concurrence.
«Expertise». Vincent Gabette,
directeur de l’UP Méditerranée, nous reçoit au pied du barrage
monumental de Serre-Ponçon, édifié à la fin des années 50 sur la
Durance, entre Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence. La centrale est
là, sous terre. Vincent Gabette présente, au bout d’un tunnel, la salle
des machines : quatre groupes de 90 mégawatts (MW) de
puissance, 300 tonnes et 12 mètres de haut chacun. C’est l’une des
centrales hydrauliques les plus puissantes de France. La salle des
commandes n’est plus utilisée : la production est télécommandée depuis
le centre de conduite régional de Sainte-Tulle, qui synchronise
les 19 ouvrages répartis sur la Durance et le Verdon : «2 000 MW sont mobilisables en dix minutes depuis Sainte-Tulle»,
indique Vincent Gabette, qui souligne le travail effectué sur la sûreté
de l’ouvrage grâce aux services d’ingénierie intégrés d’EDF, régionaux
et nationaux, «une expertise reconnue internationalement».
La régulation à l’échelle des vallées vaut aussi pour la gestion de l’eau, détaille Vincent Gabette : «Notre
métier historique est de produire de l’électricité, mais dès le départ
nous avions à notre cahier des charges la gestion de l’eau pour
l’irrigation, la régulation des crues et l’eau potable. Sont venus
depuis s’ajouter les usages touristiques et industriels de l’eau, que
nous prenons en compte dans le cadre de nos missions d’intérêt général.»
Illustration en amont sur les rives du lac artificiel de Serre-Ponçon,
le plus grand de France avec un milliard de mètres cubes lorsqu’il est
plein. La ville de Savines-le-Lac est au bord d’une immense cavité
de 40 mètres de profondeur : le lac est totalement vide en cette fin
d’hiver. Ports et plages désertés, pontons et bateaux échoués :
l’économie fonctionne en hiver grâce aux stations de ski, le dos tourné
au gouffre boueux. L’été, c’est pourtant bien le lac, de nouveau rempli,
qui apporte la prospérité : Serre-Ponçon assure «42 % des ressources touristiques estivales des Hautes-Alpes»,
explique Victor Bérenguel, le maire de Savines. Depuis 2008, une
convention garantit le remplissage optimal du lac pour juillet et août :
«EDF a compris nos besoins, au-delà de la loi, et fait preuve de
savoir-faire, de compétences et d’une écoute qui en font un vrai
partenaire, insiste le maire, également président du syndicat d’aménagement du lac. Quelles
garanties aurions-nous demain de la part d’un opérateur qui ne
considérerait que la rentabilité et la loi stricto sensu ?» «Grand chelem». Vincent Gabette sourit : «Depuis 2008,
nous réussissons le grand chelem : le remplissage estival du lac tout
en fournissant 200 millions de mètres cubes d’eau pour l’irrigation,
l’eau potable, les industries. Nous rendons compatibles des intérêts
antagonistes, au détriment si nécessaire de notre production
d’électricité.» Et si des portions de la chaîne de barrages allaient à d’autres opérateurs ? Vincent Gabette pèse ses mots : «La
gestion optimale du système est sur l’ensemble de l’équipement
Durance-Verdon. Son optimisation globale, géographique et multi-usages,
assure sa richesse et, demain, sa capacité à une régulation régionale de
la multiproduction d’électricité renouvelable. Ce sera au concédant [à
l’Etat, ndlr] de dire comment faire si ce schéma d’ensemble est
modifié.»
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