Vous pouvez trouver le rapport complet publié en 2013 sur le
site de l'ADEME :
et une synthèse publiée en 2015 sur le site du GIP Ecofor :
Ce travail a été financé par l'ADEME et le ministère de
l'agriculture, et menée sous la coordination du GIP Ecofor. C'est une
méta-analyse des études existantes, qui réunit les connaissances disponibles en
s'attachant à la zone tempérée qui nous concerne. Les experts observent que
les études à long terme restent rares et que cela limite les enseignements.
Il y a notamment un déficit de connaissances sur les aspects fonctionnels des
écosystèmes et les aspects de fourniture de services communs.
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Il est important de retenir au préalable ces 2 définitions :
1) Les rémanents forestiers : se
définissent comme l'ensemble des éléments qui restent sur le parterre des
coupes après l'exploitation. Il s'agit des menus bois + les autres produits
abandonnées, les branches Ø>7cm non valorisées, les chutes de coupe, les
feuilles, les écorces, les souches. Dans les chantiers de récolte des rémanents
ayant fait l'objet d'un suivi, environ 60% de la biomasse est exportée.
2) Les menus bois
: se définissent comme les branches d'un diamètre Ø<7cm. Ils ont une
concentration en éléments minéraux plus forte que le reste du bois. En France
leur récolte est estimée à moins de 10% de la production de plaquettes
forestières.
Aujourd'hui la récolte des menus bois n'est économiquement rentable
qu'à condition de récolter l'arbre entier. La hausse du prix de la biomasse
peut changer la donne.
Les menus bois constituent le principal gisement
additionnel de bois énergie en forêts publiques, et un gisement important en
forêt privée.
Les données d'études agronomiques : elles sont insuffisantes
- La récolte des feuillages est le type d'exportation
dont les effets sont les plus néfastes sur l'écosystème
- Plus le diamètre fin bout des menus bois diminue, plus
l'impact de leur récolte sur l'écosystème augmente.
- L'impact des récoltes de petites tiges entières
augmente en deçà d'un diamètre à 1m30 de 10 à 20 cm selon l'essence.
- La connaissance des impacts de la récolte des souches
est trop fragmentaire pour en tirer un enseignement.
La récolte des rémanents entraine une diminution des
litières, une baisse des stock de carbone et de nutriments, la modification des
communautés microbiennes et de l'activité biologique, et une altération de la
structure du sol. Les effets sont plus marqués lorsque les feuillages sont
exportés. Le statut nutritif des
arbres n'est en général pas affecté, mais les modifications entrainent
une baisse de la croissance des arbres, entre 2 et 7%. Il n'a pas été
possible de mettre en évidence quels types d'écosystème étaient les plus
sensibles.
Les données sur les impacts à long terme : elles sont inexistantes
Les rémanents au sol constituent un habitat et une ressource
pour un grand nombre d'espèces, notamment celles qui sont impliquées dans la
décomposition du bois, ou bien en dépendent. Plus que le volume total, c'est
la diversité des pièces de bois au sol qui est le déterminant majeur de la
diversité des espèces. Ces espèces constituent à leur tour une ressource
pour les niveau trophiques supérieurs, qui seront ainsi impactées (entomofaune,
herpétofaune, avifaune, etc ...)
Les effets à long terme sont mal cernés faute de données,
mais un effet cumulatif des récoltes est probable. Les études françaises sont
limitées à l'exportation des minéraux. (quasi-absence de données françaises sur
les impacts, alors que les données d'exportation des minéralomasses sont
nombreuses).
L'extraction des rémanents impacte l'ensemble de la
biodiversité, mais les études sont trop rares et trop ponctuelles pour dégager
des tendances.
Les techniques de mobilisation - stockage, passage d'engins,
sont aussi sources d'impacts non évalués.
Les recommandations des experts du GIP : de bonnes pratiques
L'état des connaissances disponibles ne permet pas de
statuer sur les stratégies de prélèvement pour minimiser les impacts. Seules
quelques propositions de bonnes pratiques peuvent être formulées.
Dans le domaine de la fertilité minérale, à l'heure actuelle les recommandations ne
peuvent être que qualitatives : limiter au maximum l'exportation des feuillages
(ndr : sont visés les conifères récoltés en arbre entier), adapter la récolte
des menus bois à la sensibilité du sol.
Dans le domaine de la biodiversité, une attention
particulière doit être portée à la récolte dans les zones forestières à rôles
de protection ou d'intérêt patrimonial, en intégrant la quantité et la qualité
de bois mort restant sur coupe parmi les objectifs de gestion.
Pour les sylviculteurs pratiquants, la correspondance entre
les seuils de pH et ceux basés sur les formes d'humus, proposée par le guide
ADEME de 2006, n'est pas vérifiée et peut mener à des erreurs de diagnostics de
sensibilité des sols à l'exportation de rémanents. Dans la pratique il est
conseillé de ne conserver que les seuils de variable pH. Il conviendrait
d'affiner l'approche en combinant la sensibilité des sols avec le niveau de
risques selon les compartiments exportés (feuillage, menus bois, branches non
valorisées, souches ...)
La question de l'épandage des cendres
L'intérêt de l'épandage des cendres de brûlage en forêt
s'inscrit dans une stratégie d'économie circulaire. Cette approche demeure
agronomique, cantonnée à la notion d'amendement minéral, avec des résultats
contradictoires. Leur réintroduction demanderait une amélioration de la
stabilité des cendres de manière à obtenir une libération progressive. La
question se pose du lessivage et de la contamination par les métaux lourds. Question
flore-faune, s'il y a restauration de la
fertilité, cela aura des impacts sur
l'activité biologique, mais sans qu'on puisse aujourd'hui mesurer les effets -
positifs et/ou négatifs - sur les cortèges d'espèces. Et ce type d'épandage en
forêts est interdit en France.
Mon commentaire :
Effectivement, la valorisation des rémanents forestiers présenterait l'avantage
de ne pas être en conflit d'usage avec
les utilisations de bois d'œuvre et d'industrie. Mais cette exportation
impacte fortement le fonctionnement des écosystèmes forestiers, sans qu'on
dispose d'évaluation des effets sur les habitats, les espèces, et les services
écosystémiques ! (comme la production de bois, le maintien des sols, la
qualité de l 'air et de l'eau, etc...)
Les approches actuelles de la récolte des rémanents sont
purement agronomiques, dans une conception réductrice de culture de bois. Les
experts apportent leurs recommandations sous une forme prudente, et
conditionnelle.
L'altération des services rendus par la forêt pourraient bien
se révéler d'un coût collectif nettement supérieur au gain énergétique. A la
lumière des connaissances actuelles, il est irresponsable de promouvoir la
récolte des menus bois, et de les prendre en compte dans la ressource de
biomasse disponible.
J'ai noté que la question des effets cumulés des diverses
agressions que subissent les écosystèmes n'est pas abordée (pollutions, pesticides,
modifications climatiques). En terme de santé publique, l'irresponsabilité
pourrait vite être requalifiée en méfait.
SOSforêtdusud - Richard Fay