Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS
Meyreuil, le 12 Octobre 2018
OBJET : CENTRALE BIOMASSE UNIPER GARDANNE URGENCE CONTRAT DE TRANSITION ECOLOGIQUE
Monsieur le Président de la République,
C’est avec gravité que nous nous adressons à vous aujourd’hui, à quelques jours d’un
rendez-vous important sur l’Environnement (18/19 Octobre).
Avec gravité, car cela fait plus de 8 ans qu’en tant que simples citoyens épaulés par des experts reconnus nous dénonçons auprès de tous les acteurs de la chaîne décisionnaire, Lettre a Macron sur la centrale Biomasse de Gardanne
les non-sens et aberrations sanitaires, écologiques, économiques, techniques, citoyens et stratégiques que la Centrale Uniper de Gardanne fait supporter aux salariés, aux riverains, aux citoyens et au pays tout entier.
Avec le souci de rester sur l’essentiel et sans entrer dans des considérations trop techniques, nous souhaitons vous présenter ici les principaux éléments susceptibles d’éclairer votre vision et vos décisions, dans la continuité de nos échanges de Février 2018 avec M.TERRASSE, représentant de Nicolas HULOT, alors Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, venu nous rencontrer à Gardanne.
Nous tenons bien évidemment à votre disposition et à celle de vos Services, les nombreux
courriers, rapports, dossiers, et études qui viennent confirmer tous les points évoqués ci-après.
La Centrale Uniper de Gardanne : une production au charbon à l’abandon, une conversion à la biomasse en échec, un incinérateur en pleine ville !
L’origine de cette Centrale se situe au milieu du 20 ème siècle, avec des équipements
implantés à l’époque en rase campagne, entre Gardanne et Meyreuil, et spécifiquement
étudiés pour extraire le charbon local et l’exploiter pour la production d’électricité.
Pour les 2 tranches encore aujourd’hui exploitées, désormais en pleine agglomération :
- la tranche 5 (centrale thermique au charbon, 600 MW/h, 33 ans d’âge) fonctionne
actuellement avec du charbon importé. Son arrêt serait programmé pour 2021, comme nous l’a annoncé M. TERRASSE.
- la tranche 4 (centrale dite "biomasse", 150 MW/h, 51 ans d’âge) fait l’objet d’une
tentative de reconversion, avec notamment utilisation de biomasse, tentative techniquement infructueuse depuis maintenant 3 ans.
ALNP - Centre Administratif et Social - Avenue Jean Petit - 13590 MEYREUIL
N° Identification Sous-Préfecture 013.102.4570 du 22.01.2003 Si elles fonctionnent, les deux entités pourront brûler, entre autres, et en quantités illimitées : du coke de pétrole, des goudrons et asphaltes, des matières bitumeuses, des bois traités (formica, bois plastifiés, peintures au plomb, xylophène…)
La Centrale Uniper de Gardanne : une aberration sanitaire
60 fois plus que l’incinérateur de Fos-sur-Mer, 28 fois plus que les normes autorisées :
voici le niveau de pollution subi par les milliers de riverains de cette Centrale et l’enjeu de santé publique qui en découle, selon les chiffres communiqués par les CSS (Comités de Suivi de Site) de Fos et de Gardanne.
Une audition d’experts organisée au Congrès américain le 25 septembre 2012 sur le thème
"Human health effects of biomass incinerators" a pointé les très graves menaces pour la
santé publique, dues aux particules fines et ultrafines, aux dioxines, etc. générées par la combustion du bois. Or il n’est pas prévu que la nouvelle installation biomasse soit équipée de lavage des fumées comme c’est le cas pour la tranche fonctionnant au charbon. Cette situation est totalement incompréhensible.
La voie publique, des écoles, des centres de vie et de commerce, des milliers d’habitations sont impactés par les rejets et déchets visibles et invisibles de la Centrale.
Pour la première fois, en 2017, des mesures de bruit ont été effectuées par un organisme
indépendant (Véritas) avec une méthode communément utilisée pour toutes les grandes
exploitations industrielles. Elles ont révélé clairement ce que nous dénoncions depuis des
années : la Centrale Uniper de Gardanne ne respecte pas les limites de bruit imposées par les arrêtés Préfectoraux. Et ce, dans des proportions importantes.
Par ailleurs, malgré de multiples demandes, aucune étude épidémiologique ou de santé
n’a été réalisée sur Gardanne et les communes environnantes impactées par la Centrale.
Face au manque total de visibilité et de mesures sur les effets à court, moyen et long terme sur la santé des salariés, des riverains et des citoyens qui vivent dans l’important périmètre de nuisance de la Centrale, il nous semble qu’a minima un principe de précaution s’impose, d’autant plus que les enquêtes publiques initiales n’abordaient que très partiellement ces sujets de santé publique.
La Centrale Uniper de Gardanne : une aberration écologique
Imaginez… sur les 20 prochaines années, en fonctionnement établi et continu, et en consommant 100 tonnes de bois à l’heure, cette Centrale va brûler l’équivalent en forêt de la surface de 1 752 000 stades de foot !
L’approvisionnement en bois actuel provient essentiellement des forêts tropicales d’Amérique du Sud, notamment du Brésil, avec un label PEFC très contestable. Le bilan écologique des transports - bateaux puis camions - ne fait qu’augmenter l’impact CO 2 .
A terme, Uniper envisage un approvisionnement "local", dans un rayon de 400 km.
Or, selon la récente étude commandée par l’ADEME sur les "Disponibilités forestières pour
l’énergie et les matériaux à l’horizon 2035", la demande sera nettement supérieure à la disponibilité nationale à l’horizon 2031-35. La ressource locale nécessaire n’existe pas
et la concurrence est rude avec l’usine de pâte à papier de Tarascon et avec d’autres centrales à biomasse. Certains médias évoquent une "guerre du bois".
Avec Uniper et ses achats massifs, cette guerre a déjà commencé au détriment des consommateurs : le prix du bois de chauffage (y compris les pellets) a augmenté de 30% depuis 3 ans.
Le Tribunal Administratif de Marseille l’a bien compris, soulignant en Juin 2017 "l’insuffisance de l’étude d’impact" du projet qui a "eu pour effet de nuire à l’information complète de la population" et le fait que "la structure actuelle de la filière bois-énergie ne permettra pas de répondre aux exigences de fonctionnement de la centrale", dont le besoin à l’horizon 2024 représente "37% de la ressource forestière locale disponible"
Ajoutons que l’argument utilisé par les industriels et certains gouvernements d’un intérêt de la production d’électricité par la combustion de biomasse pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre (CO 2 ) ne tient pas : de nombreuses études internationales avancent que le bilan carbone d’une telle centrale biomasse est pire que celui d’une centrale à charbon !
La Centrale Uniper de Gardanne : un non-sens économique
Des propriétaires qui se succèdent, des emplois de plus en plus précarisés, un engagement de fonds publics de 1,4 milliards d’euros versés à l’industriel, un rendement dérisoire : arrêtons cette fuite en avant !
Charbonnages de France, Houillères de Provence, Endessa, E-on, Uniper, Uniper France
Power/Fortum… : une telle valse des propriétaires ne peut qu’être préjudiciable à tout
investissement long terme.
Les emplois existants sur le site, les emplois induits dans l’approvisionnement et les services connexes sont de plus en plus menacés par le sous-investissement chronique dans l’outil de production et les dérégulations néfastes des marchés.
Alors même qu’il a été décidé un engagement de fonds publics de 70 millions d’euros par an sur 20 ans - soit 1,4 milliards d’euros versés à Uniper.
Tout cela pour un rendement énergétique extrêmement faible : seulement 30% environ, très loin des exigences techniques imposées dans l’appel d’offre initial (obligation d’un rendement de 60%).
Avec la Centrale Uniper à Gardanne, qui n’intègre pas le principe de cogénération,
7 arbres brûlés sur 10 ne serviront qu’à polluer les environs et à participer activement
au réchauffement climatique !
La Centrale Uniper de Gardanne : une aberration technique
Des essais qui durent depuis 3 ans sans succès, des mesures contestables,
des nuisances qui perdurent… : ça ne marche pas !
Après 3 ans d’essais, durant lesquels la production biomasse n’a fonctionné que de façon
très épisodique - et jamais à pleine charge - il serait grand temps de stopper l’hémorragie et de procéder à des vérifications poussées et indiscutables sur :
- les résultats réellement obtenus,
- les dysfonctionnements persistants,
- les raisons profondes de l’incapacité à fonctionner,
- l’obsolescence et la vétusté d’une grande partie des installations,
- les nuisances toujours constatées,
- le respect des critères de conformité
…
Cela nécessite des contrôles continus et indépendants de l’activité, tant sur les plans
techniques et économiques (argent public), que sur l’ensemble des points touchant à la
santé publique et à l’environnement.
La Centrale Uniper de Gardanne : un non-sens citoyen
Des enquêtes publiques incomplètes, des CSS sous haute surveillance, un manque
cruel de dialogue et de transparence…
Nos territoires ont besoin de projets qui donnent du sens, sont utiles, rentables, non nuisibles et qui, comme l’indiquent vos engagements "impliquent tous les acteurs du territoire autour d’un projet de transition durable - élus, acteurs économiques, partenaires sociaux, services déconcentrés, citoyens - et "accompagnent les mutations professionnelles, en particulier dans les situations de reconversion industrielle d’un territoire"
Avec Uniper, nous sommes très loin de ces considérations !
La Centrale Uniper de Gardanne : un non-sens stratégique
L’excès de biomasse est un danger.
Et avec une couverture, en fonctionnement optimal, d’à peine 3% des besoins en
électricité de la région PACA, la Centrale de Provence est plus nuisible qu’utile…
Dans le cadre de ses prévisions énergétiques pour la période 2020-2030, l’UE s’est donnée
comme objectif d’atteindre 27% de couverture de ses besoins énergétiques par les énergies renouvelables.
Or, actuellement, 60% des énergies renouvelables produites en Europe sont issues de
la biomasse.
En 2016, la même UE dans le cadre de sa "Stratégie Forêt" a alerté sur le fait que si les "Plans d’Action Nationale pour l’Energie Renouvelable" étaient respectés, tous les arbres récoltés en Europe, sans exception, seraient nécessaires à des fins énergétiques.
Rééquilibrage du poids des différentes énergies renouvelables, décentralisation, amélioration de l’efficacité du réseau, réduction des consommations par un programme volontariste sur l’isolation…il y a tellement à faire avant de détruire des forêts entières !
Quelle place pour la Centrale Uniper de Gardanne dans ce contexte ?
Dinosaure sans avenir, elle est déjà remplacée de fait par :
- 2 équipements mis en fonctionnement en 2010 à Fos sur Mer (turbine à gaz de
420 MW) et en 2013 à Martigues (930 MW), distants de 50 à 60 km de Gardanne
seulement
- le doublement de la ligne électrique qui alimente Cannes et Nice à partir
de Manosque, et récupère la production électrique du Rhône et de la Durance.
La Centrale Uniper de Gardanne : un non-sens pour la France
Vous l’aurez compris, Monsieur le Président, cette Centrale va complètement
à l’encontre des engagements pris par la France et par vous-même, au niveau national (Plan climat) et international (COP21, One Planet Summit).
Avec un engagement de fonds publics de1,4 milliards d’euros il y a beaucoup mieux
à faire, vous en conviendrez, dans le cadre d’un Contrat de Transition Ecologique.
C’est pourquoi, nous vous sollicitons pour que soit programmé au plus vite l’arrêt pur
et simple de cette Centrale, quasi inutile, potentiellement dangereuse, assurément nuisible et ruineuse, tant pour la tranche 5 (charbon importé) que pour la tranche 4 (biomasse dont rien n’indique à date qu’elle fonctionnera un jour dans les conditions contractuelles initiales requises).
Ceci afin de faire en sorte de faire enfin avancer, à Gardanne, des projets viables
sur les plans stratégiques, sanitaires, écologiques, économiques et techniques.
Des projets générateurs d’emplois, pérennes, porteurs de sens et d’exemplarité
sur le plan local, national et international.
Nous, simples citoyens, sommes à votre disposition pour tout dialogue sur l’objet de ce
courrier.
Vous remerciant pour l’intérêt que vous porterez et les suites que vous donnerez à notre
demande, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre considération la plus respectueuse.
Pour l’ALNP (Association de Lutte contre les Nuisances et la Pollution)
et les Riverains de la Centrale Uniper de Gardanne,
Bernard AURIC,
Président de l’ALNP
ALNP - Centre Administratif et Social - Avenue Jean Petit - 13590 MEYREUIL
N° Identification Sous-Préfecture 013.102.4570 du 22.01.2003
Copies à :
. Monsieur le Premier Ministre
. Monsieur le Ministre de l’Action et des Comptes publics
. Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances
. Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé,
. Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire
. Madame la Ministre du Travail
. Messieurs les Préfet et Sous-Préfet des Bouches du Rhône
. Monsieur le Député de la 10 ème circonscription des Bouches du Rhône
ALNP - Centre Administratif et Social - Avenue Jean Petit - 13590 MEYREUIL
N° Identification Sous-Préfecture 013.102.4570 du 22.01.2003
La
biomasse est-elle l’avenir de la production d’énergie ? A Gardanne,
près de Marseille, l’une des deux chaudières à charbon de la centrale
thermique a été convertie. Elle doit, à terme, engloutir 850 000 tonnes
de bois par an, dont 50% issues de coupes forestières, pour produire de
l’électricité. Mais entre les risques de pollutions ou celui d’une
surexploitation de la forêt régionale, le projet soulève de nombreuses
oppositions. Il interroge aussi la pertinence de la biomasse issue des
forêts comme solution face au réchauffement climatique, alors que le
gouvernement envisage, dans son budget 2019, de consacrer plus de 7
milliards d’euros aux énergies dites renouvelables : la consommation
industrielle de bois dans ces centrales est-elle soutenable ?
Décidément,
l’ancienne cité minière de Gardanne, posée au pied du massif de
l’Étoile entre Aix-en-Provence et Marseille, cumule les dossiers
sensibles en matière d’écologie. En premier lieu, les boues rouges de
l’usine d’alumine Alteo, rejetées au large des Calanques.
Ensuite, à quelques centaines de mètres à peine, la non-moins
emblématique centrale thermique, forte émettrice de CO2 et dont les
fumées chargées de particules fines inquiètent les riverains. Une
nouvelle controverse est venue s’ajouter aux deux précédentes : la
conversion récente à la biomasse de l’une des deux chaudières de cette
centrale à charbon. Par son gigantisme, le projet pose de nombreuses
questions.
En quoi consiste-t-il ? Sous le terme « biomasse », on trouve toutes les énergies développées à partir de végétaux, que ce soit des agro-carburants, la méthanisation – production de gaz à partir de déchets verts – ou, comme dans le cas de Gardanne, ce qu’on appelle du bois-énergie, la production de chaleur et/ou d’électricité à partir de la combustion du bois. Ici, le projet est à échelle industrielle : la chaudière dénommée « Provence 4 » brûlera pas moins de 850 000 tonnes de bois par an pour une puissance de 150 mégawatts. En phase de test depuis quatre ans, la centrale biomasse est restée à l’arrêt tout l’été, officiellement pour cause de « réparation » et de « révision annuelle », selon la direction. Depuis mi-septembre, l’unité est en fonctionnement normal, « à sa puissance nominale ».
Nicolas Casoni réclame un « moratoire sur le charbon ». « Ceux qui veulent nous enlever le pain de la bouche nous trouverons sur leur route », ajoute le syndicaliste. Comme la CGT locale, la mairie communiste s’est rangée du côté de la centrale biomasse, perçue comme une alternative au charbon, malgré les protestations liées à ses nuisances immédiates et les interrogations sur son caractère « renouvelable ».
Les particules fines émises par la combustion du bois sont la première nuisance pointée par les détracteurs de la centrale : « Le filtre à manche [procédé industriel qui sert à retenir les particules fines, ndlr] dispose des meilleures techniques disponibles pour retenir les particules issues de la combustion et les métaux lourds provenant des bois de recyclage », défend le directeur des relations institutionnelles du site, Jean-Michel Trotignon, interrogé par Bastamag a l’occasion d’une visite du site. Mais pour les riverains, la performance est insuffisante. L’installation ne permet pas la filtration des particules fines inférieures à 2,5 micromètres, les plus dangereuses pour la santé, car elles pénètrent profondément dans les bronches.
La centrale thermique de Gardanne et ses deux tranches, l’une fonctionnant au charbon, l’autre à la biomasse
« Les poussières se disséminent aussi depuis les camions de bois avant, pendant et après les déchargements », ajoute Bernard Auric, le président de l’« Association de lutte contre toute forme de nuisances et de pollution ». La critique est écartée par la direction de la centrale : le trafic ne serait que d’une trentaine de camions par jour, et les quais de déchargement seraient fermées hermétiquement. Autre sujet de discorde : le bruit lié au fonctionnement de l’unité biomasse. Un rapport communiqué aux riverains début juillet, commandé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), indique que les seuils réglementaires de bruit sont fréquemment dépassés, en particulier la nuit. La préfecture a enjoint l’exploitant de se mettre en conformité.
Quid, ensuite, de l’approvisionnement en bois ? La centrale dépendra à 50% d’importations, au moins pour les dix premières années. Le bois importé provient pour le moment d’Espagne... et du Brésil. L’autre moitié est fournie « localement », soit en fait dans un rayon de 250 km, par du bois de coupe forestière et du bois de recyclage [2]. Une hérésie du point de vue des écologistes, au regard de l’imposant volume de biomasse nécessaire : la centrale engloutira chaque année 850 000 tonnes de bois livrées sous forme de plaquettes ou bien broyées sur place.
« La forêt méditerranéenne pousse très lentement. Il faut un délai d’un siècle pour l’exploiter respectueusement. Les besoins d’Uniper vont accélérer ces cycles de coupe », s’inquiète Jérôme Freydier, de l’association SOS Forêt du Sud et syndiqué à la CGT forêt. Au contraire, pour Jean-Michel Trotignon d’Uniper, la forêt est « sous-exploitée » : « Dès qu’il y a un problème, Uniper est pointé comme bouc-émissaire. A terme, notre plan d’approvisionnement proposera 50% de bois d’élagage et de recyclage et 50% de bois de coupe, soit moins de 10% de ce que la forêt méditerranéenne produit chaque année. » Le chiffre est, cependant, très loin d’être négligeable.
Depuis la centrale de Gardanne, vue sur la Saint-Victoire, le village de Meyreuil et la plus haute cheminée industrielle de France (297m) qui évacue les fumées et particules de la tranche charbon
Les Parcs naturels régionaux du Luberon et du Verdon s’inquiètent de cette possible évolution. Ils se sont joints à une saisine du tribunal administratif de Marseille, aux côtés d’associations et de collectivités des Alpes-de-Haute-Provence, qui a abouti à l’annulation de l’autorisation préfectorale d’exploitation de la centrale biomasse, le 8 juin 2017. En cause : la première étude d’impact sur les forêts alentour ne concernait qu’une zone de... 3 km autour de la centrale, alors que la coupe de bois « local » concerne un rayon de 250 km, intégrant notamment le massif du Lubéron (à 70 km de la centrale), le parc du Verdon ou encore le Parc national des Cévennes. Mais le lendemain, un nouvel arrêté ré-autorisait l’exploitation, le temps d’une régularisation.
Les Parcs naturels régionaux ont été sommés par Renaud Muselier, président LR de la Région PACA, de rentrer dans le rang et de signer une convention avec la centrale, sous peine de voir leurs subventions supprimées [4]. Le dossier fait d’ailleurs partie des renoncements de Nicolas Hulot. L’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire avait fait appel de la décision de justice aux côtés d’Uniper. La cour administrative d’appel de Marseille devrait rendre son jugement sur le fond d’ici la fin de l’année. La décision sera déterminante quant à l’avenir de la centrale.
Stockage de bois pour la Centrale de Gardanne / Crédits Gaétan Hutter
Couper des arbres dans l’unique but de les brûler serait contre-productif : « On ne valorise pas la filière bois en brûlant. On valorise les usages durables comme le bois d’œuvre ou l’isolation », explique Jérôme Freydier, de la même association. Un rapport parlementaire de 2013, mené par le député local François-Michel Lambert (à l’époque EELV, désormais LREM), parvient aux mêmes conclusions : « Couper du bois pour ne produire que du bois-énergie reviendrait à cultiver du blé pour ne produire que de la paille », peut-on y lire. « On ne se fournit que de bois qui ne pourrait pas être valorisable autrement », avance de son côté le représentant d’Uniper.
Pire, sa combustion serait plus néfaste pour le climat que celle du charbon. 190 scientifiques ont ainsi adressé une lettre à la Commission européenne en septembre 2017 pour faire part de leurs préoccupations. « La conservation des forêts naturelles et des forêts anciennes est importante pour [...] l’atténuation du changement climatique. [Elles] fonctionnent comme des puits de carbone. »
Le Conseil consultatif scientifique des académies européennes a livré une analyse similaire, dans un rapport sur « la multifonctionnalité et la durabilité des forêts de l’UE », publié en avril 2017. « Une utilisation non durable des forêts (par exemple menant à un changement d’utilisation des terres ou à une conversion des forêts anciennes à une gestion intensive à plus courte rotation) réduit inévitablement le stockage du carbone dans les arbres vivants et les sols forestiers », y apprend-t-on. En clair : les plantations d’arbres, coupées régulièrement pour alimenter une centrale biomasse, stockent bien moins de CO2 qu’une véritable forêt, laissée à l’écart d’une exploitation industrielle.
Ces alertes n’empêchent pas l’Office national des forêts (ONF) d’exporter du bois vers une centrale danoise et EDF de préparer la conversion de ses centrales au charbon en centrales à biomasse [6]. De Gardanne au nord de l’Europe, la fuite en avant vers le bois-énergie semble enclenchée.
Pierre Isnard-Dupuy
Crédits photos : Pierre Isnard-Dupuy. Sauf stockage de bois pour la centrale de Gardanne : Gaétan Hutter.
En quoi consiste-t-il ? Sous le terme « biomasse », on trouve toutes les énergies développées à partir de végétaux, que ce soit des agro-carburants, la méthanisation – production de gaz à partir de déchets verts – ou, comme dans le cas de Gardanne, ce qu’on appelle du bois-énergie, la production de chaleur et/ou d’électricité à partir de la combustion du bois. Ici, le projet est à échelle industrielle : la chaudière dénommée « Provence 4 » brûlera pas moins de 850 000 tonnes de bois par an pour une puissance de 150 mégawatts. En phase de test depuis quatre ans, la centrale biomasse est restée à l’arrêt tout l’été, officiellement pour cause de « réparation » et de « révision annuelle », selon la direction. Depuis mi-septembre, l’unité est en fonctionnement normal, « à sa puissance nominale ».
La question de l’emploi au centre du débat
Selon Uniper, l’entreprise allemande qui exploite la centrale, la conversion de Provence 4 en biomasse aurait permis de conserver 180 emplois directs, et 1000 emplois indirects. La question de l’emploi est au cœur des discussions entourant la centrale. Mais l’arrêt annoncé par le gouvernement des centrales à charbon d’ici 2022 – et par conséquent de la seconde chaudière, « Provence 5 » [1] – laisse planer une forte incertitude sur l’avenir du site et de ses salariés, en position inconfortable. Pour Nicolas Casoni, délégué CGT de la centrale de Gardanne, la décision « est un affichage politique du gouvernement, qui veut faire croire qu’il fait de l’écologie sans en faire vraiment. Mais ce sont nos emplois qui sont menacés. » Autre motif d’inquiétude : Uniper, qui exploite aussi la centrale de Saint-Avold (Moselle), s’engage dans une revue stratégique de ses activités françaises qui pourrait aboutir à leur mise en vente. Le site de Gardanne pourrait donc faire l’objet d’une recherche de repreneur.Nicolas Casoni réclame un « moratoire sur le charbon ». « Ceux qui veulent nous enlever le pain de la bouche nous trouverons sur leur route », ajoute le syndicaliste. Comme la CGT locale, la mairie communiste s’est rangée du côté de la centrale biomasse, perçue comme une alternative au charbon, malgré les protestations liées à ses nuisances immédiates et les interrogations sur son caractère « renouvelable ».
Les particules fines émises par la combustion du bois sont la première nuisance pointée par les détracteurs de la centrale : « Le filtre à manche [procédé industriel qui sert à retenir les particules fines, ndlr] dispose des meilleures techniques disponibles pour retenir les particules issues de la combustion et les métaux lourds provenant des bois de recyclage », défend le directeur des relations institutionnelles du site, Jean-Michel Trotignon, interrogé par Bastamag a l’occasion d’une visite du site. Mais pour les riverains, la performance est insuffisante. L’installation ne permet pas la filtration des particules fines inférieures à 2,5 micromètres, les plus dangereuses pour la santé, car elles pénètrent profondément dans les bronches.
La centrale thermique de Gardanne et ses deux tranches, l’une fonctionnant au charbon, l’autre à la biomasse
« Les poussières se disséminent aussi depuis les camions de bois avant, pendant et après les déchargements », ajoute Bernard Auric, le président de l’« Association de lutte contre toute forme de nuisances et de pollution ». La critique est écartée par la direction de la centrale : le trafic ne serait que d’une trentaine de camions par jour, et les quais de déchargement seraient fermées hermétiquement. Autre sujet de discorde : le bruit lié au fonctionnement de l’unité biomasse. Un rapport communiqué aux riverains début juillet, commandé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), indique que les seuils réglementaires de bruit sont fréquemment dépassés, en particulier la nuit. La préfecture a enjoint l’exploitant de se mettre en conformité.
850 000 tonnes de bois consommées chaque année
En plus de ces nuisances directes, la biomasse telle qu’elle est utilisée à Gardanne est-elle vraiment une énergie renouvelable ? D’abord, la combustion du bois à Provence 4 ne se fera pas sans charbon. Le combustible fossile sera utilisé jusqu’à 13% dans le processus de production. Il s’agit de charbon pauvre extrait des terrils cévenols. En ne dépassant pas le seuil réglementaire des 15% de ressources d’origine fossile, Uniper peut prétendre à un tarif préférentiel de rachat de l’électricité, équivalant à une aide de 1,5 milliards d’euros pendant les vingt années d’exploitation autorisées.Quid, ensuite, de l’approvisionnement en bois ? La centrale dépendra à 50% d’importations, au moins pour les dix premières années. Le bois importé provient pour le moment d’Espagne... et du Brésil. L’autre moitié est fournie « localement », soit en fait dans un rayon de 250 km, par du bois de coupe forestière et du bois de recyclage [2]. Une hérésie du point de vue des écologistes, au regard de l’imposant volume de biomasse nécessaire : la centrale engloutira chaque année 850 000 tonnes de bois livrées sous forme de plaquettes ou bien broyées sur place.
« La forêt méditerranéenne pousse très lentement. Il faut un délai d’un siècle pour l’exploiter respectueusement. Les besoins d’Uniper vont accélérer ces cycles de coupe », s’inquiète Jérôme Freydier, de l’association SOS Forêt du Sud et syndiqué à la CGT forêt. Au contraire, pour Jean-Michel Trotignon d’Uniper, la forêt est « sous-exploitée » : « Dès qu’il y a un problème, Uniper est pointé comme bouc-émissaire. A terme, notre plan d’approvisionnement proposera 50% de bois d’élagage et de recyclage et 50% de bois de coupe, soit moins de 10% de ce que la forêt méditerranéenne produit chaque année. » Le chiffre est, cependant, très loin d’être négligeable.
Les Parcs naturels régionaux attaquent au tribunal
Selon le responsable communication de la centrale, l’unité biomasse permettra à la filière bois de se structurer, et aidera à une meilleure gestion forestière ainsi qu’à la prévention des incendies, en évitant de laisser les bois à l’abandon. Une vision partagée par la majorité des exploitants forestiers, qui profiteront des coupes, mais battue en brèche par des agents de l’Office nationale des forêts (ONF) et des écologistes. Leur crainte est que la ressource en bois finisse par être plus ou moins considérée comme une ressource minière (lire l’un de nos précédents articles ici). « Le développement du bois énergie à un niveau industriel pousse à la surexploitation et à l’artificialisation de la forêt », estime Nicholas Bell, d’SOS Forêt du Sud. Les forêts et leurs écosystèmes complexes risqueraient d’être remplacés par des plantations d’arbres, bien alignés en monoculture, et entretenus à coup d’intrants chimiques comme le glyphosate [3]... « C’est comme l’agriculture qui ne veut faire que des grands champs de maïs », résume Gérard Grouazel, propriétaire forestier et sylviculteur, également membre de SOS Forêt.Depuis la centrale de Gardanne, vue sur la Saint-Victoire, le village de Meyreuil et la plus haute cheminée industrielle de France (297m) qui évacue les fumées et particules de la tranche charbon
Les Parcs naturels régionaux du Luberon et du Verdon s’inquiètent de cette possible évolution. Ils se sont joints à une saisine du tribunal administratif de Marseille, aux côtés d’associations et de collectivités des Alpes-de-Haute-Provence, qui a abouti à l’annulation de l’autorisation préfectorale d’exploitation de la centrale biomasse, le 8 juin 2017. En cause : la première étude d’impact sur les forêts alentour ne concernait qu’une zone de... 3 km autour de la centrale, alors que la coupe de bois « local » concerne un rayon de 250 km, intégrant notamment le massif du Lubéron (à 70 km de la centrale), le parc du Verdon ou encore le Parc national des Cévennes. Mais le lendemain, un nouvel arrêté ré-autorisait l’exploitation, le temps d’une régularisation.
Les Parcs naturels régionaux ont été sommés par Renaud Muselier, président LR de la Région PACA, de rentrer dans le rang et de signer une convention avec la centrale, sous peine de voir leurs subventions supprimées [4]. Le dossier fait d’ailleurs partie des renoncements de Nicolas Hulot. L’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire avait fait appel de la décision de justice aux côtés d’Uniper. La cour administrative d’appel de Marseille devrait rendre son jugement sur le fond d’ici la fin de l’année. La décision sera déterminante quant à l’avenir de la centrale.
Risques de conflits d’usage
Pour ses détracteurs, la centrale entre aussi en concurrence d’approvisionnement avec d’autres unités de bois-énergie, notamment à Brignoles (Var) et Pierrelatte (Drôme), qui prélèvent chacune 150 000 tonnes de bois supplémentaire chaque année. Sans oublier la papeterie de Tarascon (Bouches-du-Rhône), qui en consomme plus d’un million [5]... Des conflits d’usage sont à prévoir. « Plus un seul tronc ne resterait pour être transformé en planche, poutre, palette ou papier », estime Nicholas Bell, de SOS Forêt du Sud.Stockage de bois pour la Centrale de Gardanne / Crédits Gaétan Hutter
Couper des arbres dans l’unique but de les brûler serait contre-productif : « On ne valorise pas la filière bois en brûlant. On valorise les usages durables comme le bois d’œuvre ou l’isolation », explique Jérôme Freydier, de la même association. Un rapport parlementaire de 2013, mené par le député local François-Michel Lambert (à l’époque EELV, désormais LREM), parvient aux mêmes conclusions : « Couper du bois pour ne produire que du bois-énergie reviendrait à cultiver du blé pour ne produire que de la paille », peut-on y lire. « On ne se fournit que de bois qui ne pourrait pas être valorisable autrement », avance de son côté le représentant d’Uniper.
Brûler du bois : une valorisation durable ?
Partout en Europe, le « bois-énergie » est présenté comme une alternative climatique au très polluant charbon. La directive énergies renouvelable de l’Union européenne en cours de discussion prévoit que la part des énergies considérées comme renouvelables soit porté à 32% d’ici 2030, dans le mix énergétique de l’UE (contre environ 13 % actuellement). De quoi favoriser l’essor du bois-énergie parmi les autres sources de production jugées renouvelables. Or, pour des ONG et certains scientifiques, la « neutralité carbone » du bois-énergie est un leurre.Pire, sa combustion serait plus néfaste pour le climat que celle du charbon. 190 scientifiques ont ainsi adressé une lettre à la Commission européenne en septembre 2017 pour faire part de leurs préoccupations. « La conservation des forêts naturelles et des forêts anciennes est importante pour [...] l’atténuation du changement climatique. [Elles] fonctionnent comme des puits de carbone. »
Le Conseil consultatif scientifique des académies européennes a livré une analyse similaire, dans un rapport sur « la multifonctionnalité et la durabilité des forêts de l’UE », publié en avril 2017. « Une utilisation non durable des forêts (par exemple menant à un changement d’utilisation des terres ou à une conversion des forêts anciennes à une gestion intensive à plus courte rotation) réduit inévitablement le stockage du carbone dans les arbres vivants et les sols forestiers », y apprend-t-on. En clair : les plantations d’arbres, coupées régulièrement pour alimenter une centrale biomasse, stockent bien moins de CO2 qu’une véritable forêt, laissée à l’écart d’une exploitation industrielle.
Une fuite en avant vers le bois énergie
« Les branches laissées sur place font de l’humus qui reconstitue le sol », illustre le syndicaliste forestier Jérôme Freydier. « Si les forêts sont exploitées de manière plus intensive en permanence à cause de la bioénergie, elles ne parviendront jamais à régénérer le réservoir de carbone perdu », complète la FERN, une ONG de plaidoyer pour la forêt basée à Bruxelles, dans une note d’octobre 2016 intitulée « Brûler des arbres pour produire de l’énergie n’est pas une solution pour enrayer le changement climatique ». Habituellement, le carbone du sol finit par se fossiliser. Ce cycle, qui conduit à la formation du charbon et du pétrole, serait aujourd’hui menacé. Pour Nicholas Bell, le recours au bois-énergie fait partie des « fausses solutions qui sont de vraies menaces pour la planète de la même façon que les agrocarburants ».Ces alertes n’empêchent pas l’Office national des forêts (ONF) d’exporter du bois vers une centrale danoise et EDF de préparer la conversion de ses centrales au charbon en centrales à biomasse [6]. De Gardanne au nord de l’Europe, la fuite en avant vers le bois-énergie semble enclenchée.
Pierre Isnard-Dupuy
Crédits photos : Pierre Isnard-Dupuy. Sauf stockage de bois pour la centrale de Gardanne : Gaétan Hutter.