Couper du bois est bon pour le climat dit le redacteur en chef de bois énergie
En tout cas c'est bon pour son buisness !!
Pourquoi il faut couper durablement les forêts pour stabiliser le climat
Editorial du Bioénergie International n°67 de l’été 2020
Abattage sélectif de petits résineux, photo Valtra
La
lutte contre le changement climatique nous oblige à abandonner les
énergies fossiles au profit des renouvelables. Concernant la plus
utilisée des énergies renouvelables dans le monde, le bois-énergie, il
faut commencer par préciser le sens des termes exploitation forestière
et déforestation qui sont souvent utilisés avec confusion. La
déforestation, c’est quand on supprime les arbres d’un sol pour y faire
autre chose : du pâturage, du soja, de la canne à sucre, de l’huile de
palme ou un aéroport. Dans ces cas, le plus souvent, le bois n’est même
pas récupéré et est brûlé sur place en pure perte et avec moult
pollutions. L’exploitation forestière est quant à elle pratiquée pour
récupérer le bois, qui sera utilisé comme matériau de construction ou
pour substituer des énergies ou des emballages non-renouvelables.
Ensuite, il faut savoir que les forêts non exploitées ne stockent que
très peu de carbone en dehors de leur propre volume sur pied établi. En
effet à maturité, à part une infime partie du carbone forestier qui
parvient à se stocker dans le sol sans se dégrader, l’immense majorité
de ce que les arbres captent est relarguée par putréfaction. Le puits de
carbone tourne alors à vitesse très réduite, voire à l’envers, comme
certaines forêts aujourd’hui qui larguent plus de carbone qu’elles n’en
captent à cause du réchauffement climatique. Par ailleurs, les forêts
peuvent aussi perdre brutalement la totalité de leur stock sur pied,
involontairement comme ce fut le cas lors des incendies monstres en
Australie en 2019, ou volontairement comme c’est le cas actuellement en
Amazonie dans le cadre de la politique agricole expansive du
gouvernement brésilien. Les forêts peuvent enfin également perdre tout
leur stock sur pied suite à un ouragan ou à des maladies comme on en
observe de plus en plus ; dans ces cas une grande partie du carbone ne
sera pas collectée et retournera à l’atmosphère. Face donc à la faible
capacité de stockage additionnel des forêts matures et aux risques
croissants de perte brutale de tout leur stock, il est donc prudent et
efficace pour le climat de ne pas conserver de trop grands volumes sur
pied.
Dans le domaine énergétique, tout bois utilisé comme combustible
assure un besoin et évite le recours à une énergie fossile. Après la
coupe et la combustion, le stock de carbone emmagasiné par le bois ainsi
utilisé n’existe alors momentanément plus. Par contre quelques mois
plus tard, la forêt va progressivement repousser, toute seule par
régénération naturelle ou par replantation, et le stock initial va se
reconstituer au terme d’un cycle d’exploitation du bois qui va de 10 à
30 ans pour une application combustible seule, les cycles de 50 ans ou
plus n’étant utiles que pour le bois d’œuvre. Ainsi, au terme de ce
cycle, en utilisant le carbone du bois qui se renouvelle en quelques
années au lieu d’un carbone fossile qui aurait été extrait
définitivement à l’échelle humaine, le bilan global d’émission de CO2
montre une émission évitée proche de la quantité qui aurait été émise si
on n’avait pas utilisé le bois, c’est la « neutralité » carbone de la
biomasse. Je dis proche, et non pas égale, car il faut tenir compte de
l’énergie non-renouvelable utilisée pour produire du bois-énergie (4 à
15 %), ainsi que du facteur d’émission de l’énergie fossile à laquelle
on se compare.
Par ailleurs, pour que cette exploitation soit pérenne et
inépuisable, il faut prélever globalement sur un territoire au plus ce
que fournit l’accroissement naturel du bois sur ce territoire (de 3 à
12 m³/ha/an en France selon les peuplements et les régions).
En termes environnementaux, et de biodiversité en particulier, notons
que le bois-énergie est l’une des seules utilisations du bois qui
n’exige aucune essence ni aucune forme de bois en particulier. Il ne
nécessite donc aucune monoculture, se satisfait très bien des feuillus,
de la sylviculture et de la régénération naturelles qui sont de surcroît
gratuites !
En conclusion, l’utilisation du bois comme combustible, si elle
déstocke momentanément le carbone forestier, active par contre la pompe
forestière à CO2 qui permet, indéfiniment à notre échelle de temps, de
produire un carbone renouvelable. Non exploitées, les forêts matures ont
à l’échelle du temps humain peu d’influence positive sur le taux de
carbone de l’atmosphère. Leur cycle biologique
croissance-mort-putréfaction et les accidents restituent tôt ou tard une
grande partie du carbone qu’elles ont accumulées. En d’autres termes,
on travaille ici sur un stock « vivant » de carbone, un stock limité
mais renouvelable, dont l’utilisation a un effet bénéfique, et non pas
neutre, sur le stock de carbone dans l’atmosphère, en évitant de mettre à
l’atmosphère du carbone fossile pour des millions d’années et
d’aggraver la situation. C’est pour cela que dans la situation
climatique présente, il faut consommer durablement du bois-énergie et
couper durablement les forêts !
Frédéric Douard, rédacteur en chef