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vendredi 17 février 2017

Lettre à Ségolène Royal vsur la biomasse



Collectif SOS Forêt du Sud

www.sosforetdusud.org
sosforetdusud@gmail.com
Le Pigeonnier, 04300 Limans
Mme. Ségolène Royal
Ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer
Hôtel de Roquelaure
246, bd. Saint-Germain
75007 Paris
                                              
                                      Limans, le 13 février 2017


Objet : Conseil de l’Energie du 27 février


Madame la Ministre,
Le 27 février 2017 prochain vous participerez au dernier Conseil des Ministres de l’Energie avant les élections présidentielles françaises. Ce Conseil aura lieu à un moment clé où l’Union Européenne est au début du processus long et très complexe qui mènera à la mise en place du « Clean Energy Package » (CEP) pour la période 2020-2030.

Dans ce cadre, nous voudrions vous exprimer notre forte inquiétude au sujet d’un élément important de la Directive sur les Energies Renouvelables qui concerne les grandes centrales électriques à biomasse. Notre collectif a déjà adressé plusieurs courriers à votre ministère ainsi qu’au ministère de la santé afin de préciser pourquoi nous contestons ce modèle de production d’électricité.

Nous sommes convaincus que le moment est venu de définir une position de la France clairement opposée à tout soutien public à des centrales de plus de 20 mw produisant uniquement de l’électricité avec un rendement de moins de 60%. Comme vous le savez, c’est le cas de la centrale à Gardanne de l’entreprise Uniper qui est actuellement dans la phase d’essais avant sa prochaine mise en fonctionnement. Il est aussi le modèle que l’on trouve, à une échelle beaucoup plus grande, à Drax au Royaume-Uni.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles il nous semble essentiel d’exclure définitivement ce genre de centrale de la future politique définie dans le CEP.



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L’un des arguments les plus utilisés pour justifier cette forme de production d’énergie « renouvelable » est qu’il mènera à une nette réduction des émissions carbone à effet de serre. Plusieurs études récentes indiquent que ce n’est pas le cas. La « carbone-neutralité » tant vantée par les industriels et par de nombreux gouvernements est en fait un mythe. Calculé sur une période de plusieurs décennies, le bilan carbone est sans doute pire que celle d’une centrale à charbon. En juin 2015, la Maison Blanche a publié une « Déclaration politique » allant dans ce sens (voir article ci-joint, ainsi que l’avis du Prof. William Moomaw, expert du GIEC). Lors d’une rencontre d’ONG la semaine dernière à Bruxelles sur la question de la bioénergie et du CEP, Duncan Brack, expert environnemental qui travaille depuis deux ans sur une étude approfondie commandée par Chatham House à Londres sur les émissions provoquées par la combustion de la biomasse, a confirmé cette analyse.

Une autre question essentielle concerne les conséquences de telles mégacentrales à biomasse pour la santé publique. Notre collectif a adressé un courrier à ce sujet à Mme Marisol Touraine le 9 octobre 2014 (ci-joint). Nous n’avons jamais reçu de réponse. Nous lui avons attiré l’attention, entre autres, sur le fait qu’une Audition d’experts a été organisée au Congrès américain le 25 septembre 2012 sur le thème « Human health effects of biomass incinerators » qui pointe les très graves menaces pour la santé publique, dues aux particules fines et ultrafines, aux dioxines, etc. (voir article ci-joint). En France, le Réseau Environnement Santé a organisé plusieurs réunions publiques dans la région de Gardanne afin d’alerter la population locale sur ces menaces.

Nous sommes également très inquiets par rapport à l’impact de ce genre de centrale sur les forêts aux niveaux régional et international. Selon la récente étude commandée par l’ADEME sur les « Disponibilités forestières pour l’énergie et les matériaux à l’horizon 2035 » la demande sera fortement supérieure à la disponibilité nationale à l’horizon 2031-35. Chiffres à l’appui, elle montre que promouvoir le développement industriel de l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques est un non-sens économique.

Dans le cadre de ses prévisions énergétiques pour la période 2020-2030, la Commission européenne se donne comme objectif d’arriver à une part d’énergies renouvelables de 27%. Actuellement plus de 60% des énergies renouvelables produites en Europe sont issues de la biomasse, dont la plus grande partie sous forme de bois issu des forêts. En 2016, la « Stratégie Forêt » de l’Union européenne a alerté que si les Plans d’Action Nationaux pour l’Energie Renouvelable sont respectés, tous les arbres récoltés actuellement (2016) en Europe, sans exception, seraient nécessaires à des fins énergétiques.





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Pour répondre à ces faits inquiétants, la Commission européenne propose d’interdire la combustion inefficace pour toute installation de plus de 20MW. Même si nous trouvons que le « Winter Package » sur le Climat et l’Energie publié le 30 novembre 2016 ne fait pas assez pour protéger le climat et les forêts, nous trouvons que cette mesure est très positive, et nous faisons appel à la France pour la soutenir, pour la renforcer, et surtout pour montrer un véritable leadership en suivant le sens de cette mesure dès à présent, en commençant par Gardanne. 

Même si la proposition de Directive sur les Energies Renouvelables reconnaît l’importance d’imposer des critères d’efficacité énergétique aux grandes centrales, il semble qu’avec la formulation actuelle les conversions charbon-biomasse sur le modèle de Drax et de Gardanne pourraient y échapper. Or ce sont de loin les plus grandes centrales à biomasse en Europe. Le gouvernement du Royaume-Uni a récemment réussi à obtenir l’autorisation pour la conversion d’une tranche supplémentaire de la centrale à Drax, avec un rendement de seulement 35%.


Pour toutes ces raisons nous voudrions vous inciter à adopter une position ferme sur la question des subventions publiques accordées aux grandes centrales. A notre avis il conviendrait de fixer un seuil maximal de telles centrales, à environ 20MW, et d’imposer des critères stricts d’efficacité énergétique. Aucun soutien public ne devrait être accordé à des centrales comme celles à Drax et à Gardanne.

Si vous souhaitez des informations supplémentaires, nous sommes bien évidemment à votre disposition. Il serait très utile d’envisager un séminaire de travail sur ce sujet avec des experts compétents dans les différentes matières concernées.

En espérant que ces considérations retiendront toute votre attention, je vous prie, Madame la Ministre, d’agréer l’expression de mes salutations distinguées.



                                                                                      Pour le Collectif Forêt du Sud
                                                                                                 Nicholas Bell



Copies à Monsieur Jean-Louis Bianco, M. Antoine Pellion

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