Collectif SOS Forêt du Sud
www.sosforetdusud.org
sosforetdusud@gmail.com
Le
Pigeonnier, 04300 Limans
Mme.
Ségolène Royal
Ministre
de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer
Hôtel
de Roquelaure
246,
bd. Saint-Germain
75007
Paris
Limans, le 13 février
2017
Objet : Conseil de l’Energie du 27 février
Madame la
Ministre,
Le 27
février 2017 prochain vous participerez au dernier Conseil des Ministres de
l’Energie avant les élections présidentielles françaises. Ce Conseil aura lieu
à un moment clé où l’Union Européenne est au début du processus long et très
complexe qui mènera à la mise en place du « Clean Energy Package »
(CEP) pour la période 2020-2030.
Dans ce
cadre, nous voudrions vous exprimer notre forte inquiétude au sujet d’un
élément important de la Directive sur les Energies Renouvelables qui concerne
les grandes centrales électriques à biomasse. Notre collectif a déjà adressé
plusieurs courriers à votre ministère ainsi qu’au ministère de la santé afin de
préciser pourquoi nous contestons ce modèle de production d’électricité.
Nous sommes
convaincus que le moment est venu de définir une position de la France
clairement opposée à tout soutien public à des centrales de plus de 20 mw
produisant uniquement de l’électricité avec un rendement de moins de 60%. Comme
vous le savez, c’est le cas de la centrale à Gardanne de l’entreprise Uniper
qui est actuellement dans la phase d’essais avant sa prochaine mise en
fonctionnement. Il est aussi le modèle que l’on trouve, à une échelle beaucoup
plus grande, à Drax au Royaume-Uni.
Il existe
plusieurs raisons pour lesquelles il nous semble essentiel d’exclure
définitivement ce genre de centrale de la future politique définie dans le CEP.
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L’un des
arguments les plus utilisés pour justifier cette forme de production d’énergie
« renouvelable » est qu’il mènera à une nette réduction des émissions
carbone à effet de serre. Plusieurs études récentes indiquent que ce n’est pas
le cas. La « carbone-neutralité » tant vantée par les industriels et
par de nombreux gouvernements est en fait un mythe. Calculé sur une période de
plusieurs décennies, le bilan carbone est sans doute pire que celle d’une
centrale à charbon. En juin 2015, la Maison Blanche a publié une « Déclaration
politique » allant dans ce sens (voir article ci-joint, ainsi que l’avis
du Prof. William Moomaw, expert du GIEC). Lors d’une rencontre d’ONG la semaine
dernière à Bruxelles sur la question de la bioénergie et du CEP, Duncan Brack,
expert environnemental qui travaille depuis deux ans sur une étude approfondie
commandée par Chatham House à Londres sur les émissions provoquées par la
combustion de la biomasse, a confirmé cette analyse.
Une autre
question essentielle concerne les conséquences de telles mégacentrales à
biomasse pour la santé publique. Notre collectif a adressé un courrier à ce
sujet à Mme Marisol Touraine le 9 octobre 2014 (ci-joint). Nous n’avons jamais
reçu de réponse. Nous lui avons attiré l’attention, entre autres, sur le fait qu’une
Audition d’experts a été organisée au Congrès américain le 25 septembre 2012
sur le thème « Human health effects of biomass incinerators » qui
pointe les très graves menaces pour la santé publique, dues aux particules
fines et ultrafines, aux dioxines, etc. (voir article ci-joint). En France, le
Réseau Environnement Santé a organisé plusieurs réunions publiques dans la
région de Gardanne afin d’alerter la population locale sur ces menaces.
Nous sommes
également très inquiets par rapport à l’impact de ce genre de centrale sur les
forêts aux niveaux régional et international. Selon la récente étude commandée
par l’ADEME sur les « Disponibilités forestières pour l’énergie et les
matériaux à l’horizon 2035 » la demande sera fortement supérieure à la
disponibilité nationale à l’horizon 2031-35. Chiffres à l’appui, elle montre
que promouvoir le développement industriel de l’utilisation de la biomasse à
des fins énergétiques est un non-sens économique.
Dans le cadre de ses prévisions énergétiques
pour la période 2020-2030, la Commission européenne se donne comme objectif
d’arriver à une part d’énergies renouvelables de 27%. Actuellement plus de 60%
des énergies renouvelables produites en Europe sont issues de la biomasse, dont
la plus grande partie sous forme de bois issu des forêts. En 2016, la
« Stratégie Forêt » de l’Union européenne a alerté que si les Plans
d’Action Nationaux pour l’Energie Renouvelable sont respectés, tous les arbres
récoltés actuellement (2016) en Europe, sans exception, seraient nécessaires à
des fins énergétiques.
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3 -
Pour répondre à ces faits inquiétants, la
Commission européenne propose d’interdire la combustion inefficace pour toute
installation de plus de 20MW. Même si nous trouvons que le « Winter
Package » sur le Climat et l’Energie publié le 30 novembre 2016 ne fait
pas assez pour protéger le climat et les forêts, nous trouvons que cette mesure
est très positive, et nous faisons appel à la France pour la soutenir, pour la
renforcer, et surtout pour montrer un véritable leadership en suivant le sens
de cette mesure dès à présent, en commençant par Gardanne.
Même si la proposition de Directive sur les
Energies Renouvelables reconnaît l’importance d’imposer des critères
d’efficacité énergétique aux grandes centrales, il semble qu’avec la
formulation actuelle les conversions charbon-biomasse sur le modèle de Drax et
de Gardanne pourraient y échapper. Or ce sont de loin les plus grandes
centrales à biomasse en Europe. Le gouvernement du Royaume-Uni a récemment
réussi à obtenir l’autorisation pour la conversion d’une tranche supplémentaire
de la centrale à Drax, avec un rendement de seulement 35%.
Pour toutes ces raisons nous voudrions vous
inciter à adopter une position ferme sur la question des subventions publiques
accordées aux grandes centrales. A notre avis il conviendrait de fixer un seuil
maximal de telles centrales, à environ 20MW, et d’imposer des critères stricts
d’efficacité énergétique. Aucun soutien public ne devrait être accordé à des
centrales comme celles à Drax et à Gardanne.
Si vous souhaitez des informations
supplémentaires, nous sommes bien évidemment à votre disposition. Il serait
très utile d’envisager un séminaire de travail sur ce sujet avec des experts
compétents dans les différentes matières concernées.
En espérant que ces considérations
retiendront toute votre attention, je vous prie, Madame la Ministre, d’agréer
l’expression de mes salutations distinguées.
Pour
le Collectif Forêt du Sud
Nicholas
Bell
Copies
à Monsieur Jean-Louis Bianco, M. Antoine Pellion