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dimanche 13 mars 2016

Gestion des rémanents forestiers : préservation des sols et de la biodiversité - le projet Resobio



Vous pouvez trouver le rapport complet publié en 2013 sur le site de l'ADEME :
et une synthèse publiée en 2015 sur le site du GIP Ecofor :
Ce travail a été financé par l'ADEME et le ministère de l'agriculture, et menée sous la coordination du GIP Ecofor. C'est une méta-analyse des études existantes, qui réunit les connaissances disponibles en s'attachant à la zone tempérée qui nous concerne. Les experts observent que les études à long terme restent rares et que cela limite les enseignements. Il y a notamment un déficit de connaissances sur les aspects fonctionnels des écosystèmes et les aspects de fourniture de services communs.
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Il est important de retenir au préalable ces 2 définitions :
1) Les rémanents forestiers : se définissent comme l'ensemble des éléments qui restent sur le parterre des coupes après l'exploitation. Il s'agit des menus bois + les autres produits abandonnées, les branches Ø>7cm non valorisées, les chutes de coupe, les feuilles, les écorces, les souches. Dans les chantiers de récolte des rémanents ayant fait l'objet d'un suivi, environ 60% de la biomasse est exportée.
2) Les menus bois : se définissent comme les branches d'un diamètre Ø<7cm. Ils ont une concentration en éléments minéraux plus forte que le reste du bois. En France leur récolte est estimée à moins de 10% de la production de plaquettes forestières.
Aujourd'hui la récolte des menus bois n'est économiquement rentable qu'à condition de récolter l'arbre entier. La hausse du prix de la biomasse peut changer la donne.
Les menus bois constituent le principal gisement additionnel de bois énergie en forêts publiques, et un gisement important en forêt privée.
Les données d'études agronomiques : elles sont insuffisantes
- La récolte des feuillages est le type d'exportation dont les effets sont les plus néfastes sur l'écosystème
- Plus le diamètre fin bout des menus bois diminue, plus l'impact de leur récolte sur l'écosystème augmente.
- L'impact des récoltes de petites tiges entières augmente en deçà d'un diamètre à 1m30 de 10 à 20 cm selon l'essence.
- La connaissance des impacts de la récolte des souches est trop fragmentaire pour en tirer un enseignement.
La récolte des rémanents entraine une diminution des litières, une baisse des stock de carbone et de nutriments, la modification des communautés microbiennes et de l'activité biologique, et une altération de la structure du sol. Les effets sont plus marqués lorsque les feuillages sont exportés.  Le statut nutritif des arbres n'est en général pas affecté, mais les modifications entrainent une baisse de la croissance des arbres, entre 2 et 7%. Il n'a pas été possible de mettre en évidence quels types d'écosystème étaient les plus sensibles.
Les données sur les impacts à long terme : elles sont inexistantes
Les rémanents au sol constituent un habitat et une ressource pour un grand nombre d'espèces, notamment celles qui sont impliquées dans la décomposition du bois, ou bien en dépendent. Plus que le volume total, c'est la diversité des pièces de bois au sol qui est le déterminant majeur de la diversité des espèces. Ces espèces constituent à leur tour une ressource pour les niveau trophiques supérieurs, qui seront ainsi impactées (entomofaune, herpétofaune, avifaune, etc ...)
Les effets à long terme sont mal cernés faute de données, mais un effet cumulatif des récoltes est probable. Les études françaises sont limitées à l'exportation des minéraux. (quasi-absence de données françaises sur les impacts, alors que les données d'exportation des minéralomasses sont nombreuses).
L'extraction des rémanents impacte l'ensemble de la biodiversité, mais les études sont trop rares et trop ponctuelles pour dégager des tendances.
Les techniques de mobilisation - stockage, passage d'engins, sont aussi sources d'impacts non évalués.
Les recommandations des experts du GIP : de bonnes pratiques
L'état des connaissances disponibles ne permet pas de statuer sur les stratégies de prélèvement pour minimiser les impacts. Seules quelques propositions de bonnes pratiques peuvent être formulées.
Dans le domaine de la fertilité minérale,  à l'heure actuelle les recommandations ne peuvent être que qualitatives : limiter au maximum l'exportation des feuillages (ndr : sont visés les conifères récoltés en arbre entier), adapter la récolte des menus bois à la sensibilité du sol.
Dans le domaine de la biodiversité, une attention particulière doit être portée à la récolte dans les zones forestières à rôles de protection ou d'intérêt patrimonial, en intégrant la quantité et la qualité de bois mort restant sur coupe parmi les objectifs de gestion.
Pour les sylviculteurs pratiquants, la correspondance entre les seuils de pH et ceux basés sur les formes d'humus, proposée par le guide ADEME de 2006, n'est pas vérifiée et peut mener à des erreurs de diagnostics de sensibilité des sols à l'exportation de rémanents. Dans la pratique il est conseillé de ne conserver que les seuils de variable pH. Il conviendrait d'affiner l'approche en combinant la sensibilité des sols avec le niveau de risques selon les compartiments exportés (feuillage, menus bois, branches non valorisées, souches ...)
La question de l'épandage des cendres
L'intérêt de l'épandage des cendres de brûlage en forêt s'inscrit dans une stratégie d'économie circulaire. Cette approche demeure agronomique, cantonnée à la notion d'amendement minéral, avec des résultats contradictoires. Leur réintroduction demanderait une amélioration de la stabilité des cendres de manière à obtenir une libération progressive. La question se pose du lessivage et de la contamination par les métaux lourds. Question flore-faune,  s'il y a restauration de la fertilité, cela  aura des impacts sur l'activité biologique, mais sans qu'on puisse aujourd'hui mesurer les effets - positifs et/ou négatifs - sur les cortèges d'espèces. Et ce type d'épandage en forêts est interdit en France.

Mon commentaire : Effectivement, la valorisation des rémanents forestiers présenterait l'avantage de ne pas être en conflit  d'usage avec les utilisations de bois d'œuvre et d'industrie. Mais cette exportation impacte fortement le fonctionnement des écosystèmes forestiers, sans qu'on dispose d'évaluation des effets sur les habitats, les espèces, et les services écosystémiques ! (comme la production de bois, le maintien des sols, la qualité de l 'air et de l'eau, etc...)
Les approches actuelles de la récolte des rémanents sont purement agronomiques, dans une conception réductrice de culture de bois. Les experts apportent leurs recommandations sous une forme prudente, et conditionnelle.
L'altération des services rendus par la forêt pourraient bien se révéler d'un coût collectif nettement supérieur au gain énergétique. A la lumière des connaissances actuelles, il est irresponsable de promouvoir la récolte des menus bois, et de les prendre en compte dans la ressource de biomasse disponible.
J'ai noté que la question des effets cumulés des diverses agressions que subissent les écosystèmes n'est pas abordée (pollutions, pesticides, modifications climatiques). En terme de santé publique, l'irresponsabilité pourrait vite être requalifiée en méfait.
SOSforêtdusud - Richard Fay

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