«Nucléaire: le champ de bataille du prix de l’électricité». La chronique de Frédéric Gonand
Depuis quelques mois, le petit monde de
l’énergie s’agite sur l’avenir d’un dispositif mis en place il y a dix
ans, l’ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique). Ce
mécanisme permet aux concurrents d’EDF d’acheter l’électricité produite
par les centrales nucléaires à son coût de production et non à son prix
sur le marché de gros. Son but consiste à rétablir la concurrence entre
les fournisseurs alternatifs et la filiale commerciale d’EDF.
Concrètement, quand le prix sur le marché de gros est inférieur au coût
de production (fixé à 42€ par megawattheure), le dispositif ne sert à
rien - ce qui a été le cas en 2016. Mais quand le prix de l’électricité
sur le marché de gros redevient supérieur à 42€/MWh, les concurrents
d’EDF se précipitent sur le dispositif de l’ARENH dont l’accès est
rationné. C’est la situation actuelle.
Le gouvernement a annoncé une réforme de l’ARENH l’année dernière. La Cour des Comptes, la Commission de régulation de l’énergie, l’Autorité de la concurrence ont rendu leurs rapports, ce qui fait beaucoup de rapports publics. Le gouvernement a semblé enterrer la réforme le 4 avril dernier. Mais le débat continue à couver.
Pour les fournisseurs alternatifs, l’ARENH est toujours trop cher et trop contraignant : c’est de bonne guerre. Pour EDF, l’ARENH le prive d’une valorisation de marché de son électricité nucléaire : ce n’est pas faux. Pour l’Autorité de la concurrence, un rationnement du dispositif pèserait sur la concurrence : ce n’est pas complètement impossible mais ce n’est pas sûr non plus. Pour la Cour des Comptes, il convient d’aménager le dispositif : ce n’est pas très original. Pour la Commission de régulation de l’énergie, une évolution de l’ARENH aurait peu de chance d’améliorer la concurrence entre fournisseurs historiques et alternatifs. Surtout, le régulateur de l’énergie estime que le problème est l’absence d’incitation des concurrents d’EDF à investir dans des moyens de production d’électricité concurrents au nucléaire. Et l’ARENH n’apporte aucune réponse à cette question.
Au total, l’ARENH ne paraît plus favoriser autant la concurrence aujourd’hui que dans le passé. Par ailleurs, elle assèche les liquidités sur le marché de gros et ne favorise donc pas un bon fonctionnement des marchés. Et elle n’a pas renforcé les investissements dans la production d’électricité au cours des dernières années. Bref, l’ARENH n’apporte plus aujourd’hui de réponse pertinente aux problèmes actuels du secteur.
L’économie de l’électricité est chose complexe et frustrante. On espère toujours sortir du monopole pour tirer profit des bénéfices du marché. Mais les marchés ne fonctionnent pas bien dans ces secteurs où les coûts fixes sont énormes et les effets d’échelle très importants. Des rustines réglementaires sont alors inventées pour tenter de renforcer la concurrence malgré tout : hier le TARTAM, aujourd’hui l’ARENH. Ces dispositifs fonctionnent fatalement mal. L’idéal serait un modèle où un régulateur puissant contraint un opérateur historique efficace. La réalité est asymptotique : elle se rapproche de cet idéal, sans jamais pouvoir l’atteindre.
Frédéric Gonand est professeur d’économie – Université Paris-Dauphine.
Le gouvernement a annoncé une réforme de l’ARENH l’année dernière. La Cour des Comptes, la Commission de régulation de l’énergie, l’Autorité de la concurrence ont rendu leurs rapports, ce qui fait beaucoup de rapports publics. Le gouvernement a semblé enterrer la réforme le 4 avril dernier. Mais le débat continue à couver.
Pour les fournisseurs alternatifs, l’ARENH est toujours trop cher et trop contraignant : c’est de bonne guerre. Pour EDF, l’ARENH le prive d’une valorisation de marché de son électricité nucléaire : ce n’est pas faux. Pour l’Autorité de la concurrence, un rationnement du dispositif pèserait sur la concurrence : ce n’est pas complètement impossible mais ce n’est pas sûr non plus. Pour la Cour des Comptes, il convient d’aménager le dispositif : ce n’est pas très original. Pour la Commission de régulation de l’énergie, une évolution de l’ARENH aurait peu de chance d’améliorer la concurrence entre fournisseurs historiques et alternatifs. Surtout, le régulateur de l’énergie estime que le problème est l’absence d’incitation des concurrents d’EDF à investir dans des moyens de production d’électricité concurrents au nucléaire. Et l’ARENH n’apporte aucune réponse à cette question.
Au total, l’ARENH ne paraît plus favoriser autant la concurrence aujourd’hui que dans le passé. Par ailleurs, elle assèche les liquidités sur le marché de gros et ne favorise donc pas un bon fonctionnement des marchés. Et elle n’a pas renforcé les investissements dans la production d’électricité au cours des dernières années. Bref, l’ARENH n’apporte plus aujourd’hui de réponse pertinente aux problèmes actuels du secteur.
L’économie de l’électricité est chose complexe et frustrante. On espère toujours sortir du monopole pour tirer profit des bénéfices du marché. Mais les marchés ne fonctionnent pas bien dans ces secteurs où les coûts fixes sont énormes et les effets d’échelle très importants. Des rustines réglementaires sont alors inventées pour tenter de renforcer la concurrence malgré tout : hier le TARTAM, aujourd’hui l’ARENH. Ces dispositifs fonctionnent fatalement mal. L’idéal serait un modèle où un régulateur puissant contraint un opérateur historique efficace. La réalité est asymptotique : elle se rapproche de cet idéal, sans jamais pouvoir l’atteindre.
Frédéric Gonand est professeur d’économie – Université Paris-Dauphine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire